Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Journal de Buenos Aires. IV


 

 

Journal intermittent. Buenos Aires

 

IV. Les rues de Buenos Aires. (Suite et fin.)

 

        

Fin ? Non, les rues de Buenos Aires ne finissent jamais !  Elles  s’étirent à l’infini, rectilignes, si longues que le piéton est vite découragé.

Où vont-elles ? Elles  fuient le fleuve, le fameux Rio de la Plata, et  nous emmènent loin, très loin, vers les horizons infinis de cette plaine d’où est venue la prospérité… au temps de la prospérité

Buenos Aires tourne le dos à son fleuve, parce que du fleuve sont souvent venus les malheurs. Et quand  les millions d’immigrés qui, à la fin du siècle dix-neuvième et au début du vingtième, ont constitué, intégrés aux Criollos[1] des premiers temps de la colonisation,  le peuple argentin, ils ont tourné le dos au rio où ils avaient débarqué puisque, l’avenir était devant eux vers le continent sans fin.

Et pourtant, Espagnols et Portugais, s’étaient affrontés pendant des siècles pour prendre le contrôle du « Parana Guazu » comme l’appelaient les Indiens Guaranis, c'est-à-dire des « Grandes Eaux-Parana ». Les Européens l’ont pris pour une mer, « Mar Dulce », et pensaient, au XVI° siècle, que ces eaux leur permettraient de rejoindre le mythique pays de l’argent et peut-être aussi le Pacifique qu’on venait de découvrir. Ensuite, puisque c’est là qu’on espère trouver les routes qui mènent aux fabuleuses mines d’argent, on l’appelle, dès le XVI°, et aujourd’hui encore, Rio de la Plata.

Et au XIX°, par deux fois, Français et Anglais tentent de s’emparer de cet estuaire majestueux.

Là encore du fleuve était venu le danger.

Les rues de Buenos Aires ne vous conduisent jamais au bord des « Grandes eaux » et les Porteños (habitants de Buenos Aires) qui veulent se baigner vont à 400 km de là, à Mar del Plata !  

Elles vous offrent par contre le plaisir d’arriver à un grand parc, ombragé d’arbres énormes, à la frondaison somptueuse, et si vous avez de la chance d’y être à la bonne saison, les fleurs mauves des Jacarandas, jaunes des Tipas, vous enchanteront. Lorsque les pétales se font plus rares sur l’arbre, le sol se mue en tapis où se mêlent les couleurs de la terre, de l’herbe et les pétales tombés à terre, répandus dans un gai et charmant désordre.

Ne passez pas trop vite, regardez, là, à votre gauche, à moitié cachée, une statue : « Le Petit chaperon rouge », ailleurs, à droite, « Le Semeur », plus loin, le moissoneur.

Les rues de Buenos Aires vous conduisent toujours à une statue ou à un jardin parsemé de sculptures.  Et le passant français comprend vite que les rues et leurs places ont été pensées et dessinées souvent par des Français et les sculpteurs aussi étaient des Français, mais pas toujours. Ah ! La France du XIX°, modèle entre tous les modèles,  mère des Arts et des Lettres pour les Argentins comme pour les Brésiliens !

Ces rues  finissent toujours par vous présenter, au détour d’une placette ou à un grand rond-point, à un carrefour, quelque héros à cheval, fier sur son socle, entouré de figures symboliques et c’est San Martin, Belgrano,  Roca, Mitre, Urquiza et bien d’autres. La statue d’Alvear, c’est A. Bourdelle qui l’a réalisée, une des plus belles statues à cheval qu’on connaisse. Et c’est A. Rodin qui a sculpté  Sarmiento le grand homme d’Etat écrivain. 

Peut-être ne connaissez-vous pas ces héros ?

Rassurez-vous, le conteur d’aujourd’hui a remplacé le prof d’Histoire.

Mais il ne résiste tout de même pas à vous parler un peu des deux premiers : ils offrent l’un et l’autre, une leçon que les politiciens d’aujourd’hui devraient apprendre.

San Martin, le général exceptionnel, le visionnaire, qui rêvait d’une Amérique du Sud libérée et unifiée en grande République fédérale démocratique, San Martin, libérateur et du Chili et de la Bolivie et des provinces unies du Rio de la Plata, la future Argentine, a préféré renoncer à tous les honneurs, à tous les pouvoirs lorsqu’il a compris que ses frères d’armes et de combat allaient se déchirer en misérables luttes pour le pouvoir ! Il est parti en France et a vécu dans l’obscurité à Boulogne !

Belgrano, un de ses généraux et amis, Belgrano vainqueur, a été récompensé de ses victoires décisives par une importante prime en or. Que croyez-vous qu’il en fît ? Il la consacra à faire construire des écoles gratuites dans 4 villes de l’Argentine et la Bolivie actuelles.

Et on s’est moqué de lui, on l’a vilipendé parce qu’il pensait que la république pouvait être présidée par…un descendant de l’Inca !

Il est mort pauvre et malade.

 

Voilà, c’est promis nous revenons dans les rues de Buenos Aires !  

Il arrive d’y voir des arbres étranges. Leur tronc, en forme de bouteille ventrue est parsemé de grosses épines à l’allure de cônes qui vous tiennent prudemment éloignés de ce « palo borracho » de cet « arbre ivrogne » comme l’appellent les Argentins. Et là, au bout de la rue, sur votre droite, un petit jardin, et au milieu, sortent péniblement du sol, des  racines monstrueuses, difformes, d’où s élève

un tronc si gros que vous n’y croyez pas et vous vous abritez avec plaisir sous sa frondaison bienfaisante qui vous protège du soleil de Décembre. C’est un « Ombu », parfois un « Gomero ». Les platanes de nos régions paraissent bien modestes à côté ! 

 

Nombreux sont les immeubles qui  témoignent de l’insolente et orgueilleuse richesse des grandes familles « porteñas » de la Belle Époque. Larges porches en bois sculpté, encadrement de statues de pierre, frontons triangulaires à l’antique, fenêtres entourées de figures sculptées d’anges, jeunes filles ou fleurs, pampres, écussons. Et un dernier étage se termine par une tourelle conique surmontée encore d’une figure ailée. Mais les passants ne remarquent plus tout cela. Seuls les visiteurs partis à la recherche d’un peu de l’âme de la ville lèvent la tête et observent. Et comprennent un peu pourquoi les guides expliquent que l’urbanisme de Buenos Aires est inspiré de celui de Paris !

Oubliez les nombreux mendiants accroupis ou couchés à même le sol. Essayez de négliger aussi les nombreux sacs-poubelles éventrés dont le contenu s’est hélas répandu,  y compris dans la majestueuse Avenue du 9 Juillet, les Champs Elysées de Buenos Aires. Ne regardez pas trop les trottoirs défoncés, ne trébuchez tout de même pas et relevez la tête pour admirer, coincé entre deux immeubles modernes, ou à un coin de rue, cette architecture soignée et décorée de beaucoup de ces constructions de la fin du XIX° ou du début du XX°.

 

En plein centre, au cœur de la ville, vous empruntez l’avenue Santa Fe et arrivez à la place San Martin. De très majestueux bâtiments, les ombrages gigantesques des Tipas, la statue équestre du héros national, celle de ses grenadiers, pas étonnant que se soit installé là le ministère des affaires étrangères et le Cercle Militaire. Mais bizarre ! Militaires et diplomates seraient-ils plus souvent qu’on le croit tourmentés par le doute ? En tous cas, si vous longez la place sur la droite, vous admirez cette éloquente statue du français Ch. H. Cordier (1827 / 1905) : « le doute » !

 A 3 heures du matin, les rues de Buenos Aires, cette nuit de Noël 2009, sont aussi animées qu’en plein jour. Juan nous a accompagnés pour nous trouver un taxi. Il a peur pour notre tranquillité. Juan, neurologue argentin et sa femme Maïté, médecin aussi mais colombienne, nous ont offert, chez eux,  une soirée de Noël dont nous nous souviendrons : joie, vivacité et beauté de leurs 4 enfants, affection et chaleur humaine, tendresse et hospitalité généreuse des parents ! Le temps est passé si vite qu’il est déjà le matin. Finalement malgré l’heure, nous nous enfournerons dans un bus, derrière une bande de fêtards un peu éméchés et serons couchés à 4 h !

Les rues de Buenos Aires sont aussi familières, aussi tranquilles pour nous que celles de Marseille, Lyon ou… Lisbonne. L’étranger en provenance de France s’y sent comme chez lui. On y baguenaude, ou y flâne, on s’y promène, on y contemple les vitrines les plus élégantes, et comme, on marche beaucoup, on s’arrête se reposer dans un des célèbres cafés de Buenos Aires : le charme en est souvent un peu vieillot, les salles sont vastes, calmes, beaucoup de clients lisent et vous pouvez rester le temps qu’il vous plaît, autour d’un café ou d’un chocolat chaud, épais, noir, goûteux comme seuls savent les préparer les Italiens et… les Argentins.

Italiens ? Oui, fondée par les Espagnols, aménagée et décorée par les Français, Buenos Aires est plutôt italienne, tant ils sont nombreux à s’y être installés au début du XX° siècle !

Mais non ! Les rues de Buenos Aires sont argentines, et les Argentins sont des Latino-américains, sans doute aucun !

On ne sait pourquoi, mais malgré le bruit, les poubelles, les bus grondants et inquiétants, les rues de Buenos Aires n’en finissent pas de vous charmer. A croire qu’elles vous ensorcellent. Vous verrez, la prochaine fois, vous viendrez avec moi et vous n’aurez plus envie de quitter cette ville. Sitôt parti, vous regretterez les rues de Buenos Aires !

 

H. D. 23 décembre / 28 Décembre. Buenos Aires / Saint Etienne.   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Criollo désigne les habitants de l’Argentine installés à partir du XVI° siècle, descendants de premiers colons européens et souvent métissés avec des Noirs et surtout des Indiens.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
<br /> Très beau texte que j'ai lu avec attention.Très poétique et évocateur.. on aimerait baguenauder en votre compagnie dans ces rues et ces parcs si bien décrits. Les moments d'histoire y sont les bien<br /> venus. Je note au passage la description de San Martin et Belgrano. Quelle belle leçon à tirer de ces 2 héros dont feraient bien de s'inspirer les hommes politiques de notre pays et d'ailleurs, ne<br /> serait-ce que pour leur abnégation!<br /> Je vous souhaite de bien terminer votre périple en compagnie de vos amis, une Excellente année nouvelle à tous, et à vous un bon retour en France. Amitiés. Danielle; Et merci encore pour cette<br /> magnifique prose si empreinte de poésie.<br /> <br /> <br />
Répondre
H
<br /> <br /> Très sympa ce commentaire ! Heureusement que je ne me prends ni pour un poète ni pour un vrai écrivain !<br /> Ce séjour s'est treminé le jour de Noël et bien terminé !<br /> Merci encore et tous mes voeux pour 2010 ! Notamment que notre amie Ségolène demeure notre espoir de changement !<br /> Amitié<br /> <br /> <br /> <br />