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Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Spéléologie

Vingt septième partie :

Spéléologie

 

 A Grenade en ce  juillet 2021 nous avons dormi deux nuits en haut du célèbre quartier de l’Albaycin, proche du Sacromonte autrefois habité par les Roms, les Gitans, souvent en habitat troglodyte. Florence nous avait trouvé un logement presque parfait : une « Cueva » une grotte, vaste, aménagée avec goût et simplicité dans une des nombreuses « cuevas » du quartier ! Impossible d’y accéder en voiture. J’étais au volant et elle m’a guidé audacieusement à travers les ruelles étroites et tortueuses jusqu’à un stationnement pas trop éloigné. En sortant de notre « cueva » nous franchissions quelques pas et avions une vue superbe sur l’Alhambra ! Et nous étions au milieu de ce quartier charmant et original de l’Albaycin.

Heureux les parents dont l’enfant, certes largement adulte mais qui restera toujours leur « enfant », peut ainsi les mener vers un tel lieu de repos et de magnificence !

Et la spéléologie ? Non ! Nous n’avons pas cherché, rassurez-vous, à pénétrer le sous-sol des grottes de  l’Albaycin ! Mais…

…vivre ce petit séjour dans une grotte, m’a remémoré les expéditions spéléologiques que notre frère aîné Pierre, autour de ses dix-neuf, vingt ans avait organisé à partir de la villa d’Aubagne où nous passions les mois d’été. Nous étions quatre frères, mais Jacques le dernier n’avait que sept ans et seuls Antoine (14 ans) et moi (12 ans) participâmes à ces aventures.

A Cassis (Bouches-du –Rhône)  la beauté du site est partiellement due au cap  Canaille une des plus hautes falaises d’Europe, de calcaires et grès de couleur ocre,  au-dessus de la Grande Bleue !

Or à l’origine, il est probable que le cap Canaille était le cap nayes ce qui veut dire en langue provençale locale, le cap des sources. En effet le mot « naye » évoque l’eau comme les naiades grecques étaient les muses des cours d’eau. Des eaux douces sous-marines en provenance des massifs calcaires de l’intérieur, par circulation souterraine, se jettent en mer au pied ou un peu au large du célèbre cap, qui serait le « cap des sources » ! Dans la région, près du bourg de Saint Zacharie existe un lieu de promenade célèbre  qu’on appelle « les sources des Nayes » ! Même explication !

Notre frère Pierre souhaitait que nous découvrions dans les collines de la Bédoule, au-dessus de Cassis, les rivières souterraines qui, il n’en doutait pas, parvenaient dans la mer près de « Canaille » ! Il affirmait même que l’EDF aurait pu être intéressée par le débit de ces eaux souterraines. Les collines de la Bédoule se trouvent à quelques sept ou huit kilomètres au nord de Cassis et huit kilomètres au sud d’Aubagne. Elles sont formées surtout de roches calcaires où les eaux de pluie s’infiltrent et circulent en rivières souterraines. Des fissures à la surface permettent parfois d’accéder dans des gouffres plus ou moins profonds et rejoindre les eaux courantes !

Avec le matériel emprunté à notre troupe scoute, nous partons en vélo tous les trois. Nous portons dans nos sacs à dos des échelles de cordes qui doivent nous permettre de descendre dans les gouffres et, si possible, d’en remonter ! Nous avons des casques auxquels nous avons fixé des lampes de poche et avons aussi avec nous des lampes à acétylène. Ce type de lampe est un bon moyen d'éclairage facilement transportable et, dans l’obscurité souterraine, plus efficace, qu’une simple lampe de poche. La source lumineuse en est la flamme de combustion du gaz acétylène, celui-ci résultant de la réaction de l'eau sur le carbure de calcium tous deux contenus dans la lampe. 

Nous voilà partis tôt le matin. Maman nous a préparé quelques victuailles et de nombreux conseils de prudence ! « Pierre ! Fais bien attention à tes petits frères, ne sois pas téméraire. »

Arrivés dans les collines, il faut traîner les vélos et les sacs lourds de matériel à travers la garrigue de pins, d’argelas et chênes kermès épineux. Pierre a donné rendez-vous à des amis qui viennent de Cassis, deux frères scouts. L’un des deux est celui qui en 1964 à Alger avait invité Renée et moi au restaurant où j’avais avalé malencontreusement une cerise récalcitrante ! Nous l’avions retrouvé donc dix ans après nos expéditions spéléologiques ! Il y a peu nous avons appris son décès.

Mon frère Antoine me rappelle qu’un cantonnier rencontré par hasard nous avait indiqué une zone où, selon lui, il y avait des ouvertures qui donnaient sur l’intérieur de la roche

Il faut maintenant poser nos vélos, nos sacs et nous mettre en quête de ces anfractuosités dans la roche, dans le secteur indiqué par le cantonnier, qui permettent de parvenir à l’intérieur ! Le plus souvent pas moyen de nous faufiler au-delà de moins d’un mètre. Mais parfois Pierre, Antoine ou l’ami cassidain Hubert remarquent une percée plus large ! C’est moi le plus petit : Pierre me dit ou dit à Antoine : essaye d’entrer et dis-nous ce que tu vois ! Il nous assure avec un lasso et nous pouvons alors tenter de pénétrer dans l’étroiture. A force de contorsions je me glisse à l’intérieur mais le plus souvent me heurte à un cul de sac : pas le moindre gouffre et pas d’ouverture vers les profondeurs. Un jour, miracle ! L’étroiture – Antoine y est peut-être entré le premier --  débouche brutalement sur un gouffre, un puits dont la lampe de poche n’éclaire pas le fond ! Eureka ! On a réussi !

Cette fois c’est le tour des plus grands ! Il faut élargir l’entrée rocheuse pour l’adapter aux dimensions des têtes des aînés – si la tête passe, alors tout le corps ensuite passera --  de façon qu’ils puissent franchir l’étroiture ! Cela prend du temps. Il faut installer les échelles, les attacher solidement à un gros arbre ou buisson, assurer celui qui va se laisser descendre avec la lampe à acétylène. Pas si simple : l’échelle de corde n’est pas arrimée aux parois et a une fâcheuse tendance à tournoyer à mesure qu’on descend. Jusqu’où va-t-elle nous mener ? La longueur de l’échelle parvient-elle au fond du gouffre et qu’y a-t-il en bas ? La terre ferme, de l’eau ? Une salle- galerie ? Des stalactites et stalagmites ?

Bref ce sont les aléas de la spéléologie ! C’est difficile mais exaltant parce que notre curiosité est attisée. De plus, nous pensons être les premiers à découvrir ces gouffres et y pénétrer !

Oui ! Il y avait de l’eau au fond, qui coulait, mas pas assez pour parler de vraie rivière souterraine !

Oui ! Il y avait des galeries et au sol comme au plafond, des stalagmites et des stalactites !

Oui ! Nous avons pu avancer le dos courbé dans des couloirs obscurs, étroits, qui s’enfonçaient vers l’intérieur et que le tout petit cours d’eau suivait.

Oui ! Nous avions sous les yeux notre découverte et chacun était parvenu au fond. L’un des grands restait toujours à la surface, à l’entrée pour le cas où un ours des cavernes ou un homme de Cro-Magnon rencontré en bas aurait pu manifester un peu d’agressivité face à ces jeunes gens venus violer son territoire ; il aurait été nécessaire d’appeler des secours ! (Quels secours dans ce cas je me demande bien ?). En fait, on devait surtout s’assurer de la solidité des arrimages des cordes et échelles et aider chacun à remonter ! )

Il a bien fallu un jour mettre fin à nos expéditions : les grandes vacances s’achèvent toujours !

Alors nous avons baptisé notre gouffre : « Le Vet-Roux » contraction de nos noms de famille, Dravet et Roux.

Je ne sais si les institutions qui dressent le répertoire de cavités célèbres de notre région  y ont inclus notre belle découverte !

Il y a vraiment très longtemps, près de soixante-dix ans, aussi la mémoire a-t-elle peut-être quelque peu transformé les souvenirs et nous n’avions rien écrit de nos équipées estivales à la recherche des secrets du sous-sol des collines entre Aubagne et Cassis !

Antoine, mon frère m’affirme que les chefs de notre troupe scoute, quelque temps après, avaient organisé une expédition de spéléologie pour redécouvrir le Vet-roux et ses mystères.

Ma mémoire n’a rien gardé de cela, probablement parce que je n’ai pas participé à cette excursion ce jour-là. Chez les Scouts, je n’ai jamais été un « chef » et Antoine me dit que la sortie avait été pour ce qu’on appelait la « Haute-Patrouille » soit les chefs de la troupe et les C.P. les chefs des cinq ou six  patrouilles dont la troupe était composée !

Demeure en moi le souvenir ému, heureux, de ce temps où grâce à notre frère aîné, nous nous sommes initiés à la spéléologie et avons vécu des journées de vacances, sportives et enrichissantes !

Henricles. Silhac. Le 02 Août 2021.

 

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