Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Retour d'Andalousie

Non, ce texte ne vient pas vous parler de l’émerveillement que procurent les villes d’Andalousie qu’il s’agisse de Séville, Cordoue ou Grenade ! Vous le savez, vous connaissez  déjà ou non ; si vous voulez en connaître plus nous pouvons venir vous en parler, vous faire partager notre enchantement : ce serait bien mieux que quelques lignes sur un blog.

Je voudrais évoquer ici les interrogations inquiètes, que m’ont posées les paysages traversés.

Comme professeur j’avais parlé à mes élèves des oliviers d’Espagne, d’Andalousie en particulier. J’avais déjà, au cours d’un voyage scolaire, il y a plus de trente ans, vu ces paysages. Mais cette fois j’ai été impressionné par ces  milliers d’hectares, ces kilomètres carrés de terrain où il n’y a quasiment plus une haie, plus un arbre autre que l’olivier, et entre les arbres un sol complètement nu ! Il arrive que quelque champ de tournesol interrompe la monotonie ou qu’apparaisse un petit bosquet d’eucalyptus chétifs rescapés de la domination presqu’absolue de ces troncs gris et noueux, qui portent ces millions, ces centaines de millions d’olives !

Monoculture ! Ici en Andalousie les  statisticiens nous disent que sont produits environ 30% de la production  mondiale d’olives ! Plus qu’en Italie, plus qu’en Tunisie, plus que partout ailleurs ! En 2018 l’Espagne en a produit 1 550 000 tonnes soit à elle seule beaucoup plus que l’Italie, la Grèce, la Tunisie, le Portugal, la Turquie, et le Maroc réunis. Il y a donc une domination écrasante de la production d’olives par l’Espagne.

Regardons un olivier en pleine production. Combien d’olives sur chaque arbre ? Des milliers ; et il y a des millions d’oliviers. Imaginons la récolte de ces petits trésors dont on va extraire cette huile vendue dans le monde entier. Aujourd’hui, on dispose une énorme machine autour de chaque arbre qui l’embrasse plutôt le prend en tenaille, c’est plus juste, et l’arbre est alors  secoué fortement, régulièrement, de façon que les olives finissent par tomber. Parfois il faut que des ouvriers armés de grandes perches tapent les branches pour assurer la chute des fruits ! Est-ce que l’arbre finit pas être affaibli par un traitement aussi brutal ? C’est probable mais j’avoue n’en rien savoir.

Et en roulant pendant des kilomètres à travers ce paysage vallonné qui, dessiné par l’omniprésence du même arbre, a sa beauté, je pensais à l’époque encore proche où on n’avait pas inventé cette récolte mécanisée ! Certes la monoculture n’était pas aussi absolue, les oliviers un peu moins nombreux, mais tout de même ! Combien d’heures de travail épuisant ont dû, pendant des décennies, fournir des légions de paysans andalous, d’hommes, de femmes et d’enfants, pour cueillir, rassembler, ramasser ces pépites d’or-huile ? Et pour quel salaire ? L’histoire a-t-elle été racontée de l’épuisement, de la misère de ces dizaines de milliers de vies au service de l’olive ?

Et aujourd’hui, nonobstant le machinisme, j’imagine facilement que le travail au moment de la récolte, doit encore être dur, très dur. Et probablement qu’à côté des paysans andalous on fait venir de nombreux Marocains, peut-être même… des Polonais. Pourquoi des Polonais ? En Haute-Loire, une agricultrice m’avait expliqué que pour le ramassage des framboises et des fraises, les Polonais étaient beaucoup plus rentables et rapides que les…éventuels cueilleurs français ! J’imagine que la rentabilité de ces amis slaves est connue de planteurs d’oliviers ! Mais honnêtement, je n’en sais rien !

Les Espagnols exportent leur huile partout en Chine, au Brésil et notamment dans toute l’Europe. En conséquence vous voyez des théories de poids-lourds qui, aux frontières, par centaines, attendent sur des parkings qui leur sont réservés le droit de repartir après les heures de repos obligatoires ! Et autoroutes et routes sont tellement encombrées en France, lieu de passage obligatoire, à partir d’Espagne, pour l’Italie, la Belgique, la Suisse et toute l’Europe que la file de droite semble leur être réservée et lorsqu’un gros bahut cherche à en doubler un autre, si gros qu’il soit, il n’a pas les accélérations d’une Porsche ni même d’une Mégane et alors un ralentissement se forme transformé parfois en embouteillage !

Et ces camions vont parfois jusqu’en Scandinavie !

Loin de moi de vouloir ici incriminer particulièrement les Andalous et leur huile d’olive ! La monoculture industrielle et l’exportation massive par camion se retrouvent ailleurs ! Pensons au vignoble du Languedoc ou aux grandes cultures de blé et betteraves à sucre de nos plaines du bassin parisien et du Nord. Et il y a des camions chargés de bien d’autres choses, de produits industriels divers et pas seulement d’huile d’olive !

Un tel système fondé sur l’agriculture industrielle destinée à l’exportation, est gravement nuisible, on le sait aujourd’hui. Et on n’ose pas imaginer ce qui pourrait arriver à cette Andalousie si une maladie quelconque qu’on ne saurait éradiquer atteignait ces oliviers ! Et on se demande avec anxiété quels traitements phytosanitaires chimiques subissent déjà ces myriades d’oliviers pour éviter un tel malheur.

Il resterait aux Andalous le tourisme de masse, autre source importante de revenu qui, on le sait, implique des transports longs avec des milliers de véhicules divers émetteurs de ces particules ou gaz qui polluent notre atmosphère ! Bref ! La traversée de l’Andalousie m’a été l’occasion de réfléchir une fois de plus aux contradictions que nous vivons et surtout  à l’extrême complexité du problème. Comment sortir de ce système ? Comment convaincre, Andalous ou  Languedociens, et bien d’autres, ces centaines de milliers de gens qui, de par le monde, chez nous en Europe et ailleurs en Amérique latine comme en Amérique du Nord, ou en Asie  vivent de cette agriculture industrielle, qu’il faut y renoncer et passer à autre chose ? Nous vivons d’un mode de développement qui produit certes des richesses mais de plus en plus de « nuisances », de pollutions diverses graves et qui épuise la nature

Faut-il se résigner à croire que seules des catastrophes, ici ou là, précipiteront une indispensable prise de conscience ?

Il y a les milliers, dizaines de milliers d’emplois directs ou indirects dans le conditionnement, la transformation, la distribution, le transport, le commerce de gros puis de détail.

Il y a les habitudes de consommation de chacune et chacun : les gens n’ont pas envie d’être privés des biens qu’ils ont l’habitude de consommer et d’acheter dans les magasins où ils se fournissent. Scandinaves et Écossais, chez tous ceux où pas un olivier ne pousse pourraient se priver d’huile d’olive, c’est sûr, mais il est peu probable qu’ils décident collectivement et spontanément d’adopter un régime alimentaire sans jamais jouir de la saveur de cette huile !

Il y a les millions de pauvres, de gens aux revenus trop faibles qui, eux aussi, aspirent à pouvoir un jour consommer ces produits qu’à côté d’eux ils voient les plus aisés acheter. Ils ne voient pas pourquoi ils n’auraient pas eux aussi le droit, un jour d’accéder à ces saveurs de qualité !

Il y a, enfin, ces propriétaires, ces marchands, ces industriels dont les intérêts d’entrepreneurs et les profits dépendent de ces productions industrielles, de ce mode de développement à terme insoutenable !

Et ce sont tous ces étages de gens concernés auxquels les « politiques » devraient imposer des mesures indispensables pour éviter les catastrophes qui se profilent à nos horizons ! Et si des politiciens courageux – il en existe tout de même ici ou là, même chez nous, même parmi ceux qui sont actuellement au pouvoir ! – si donc ces politiques prenaient des décisions propres à mettre fin à ce mode de développement insoutenable et plein de risques, on trouverait aussitôt des gens pour crier à la dictature, appeler à manifester violemment pour défendre la « liberté » et de nombreux  politiciens démagogues pour les soutenir ! Aujourd’hui, dans notre pays, la défiance par rapport aux politiques et aux institutions dites représentatives est telle que les dirigeants sont toujours, apriori, soupçonnés de desseins cachés, nuisibles à la grande masse des citoyens. Et les politiciens  des oppositions – il y a toujours des oppositions, et c’est normal – ne manquent alors pas d’être là pour exciter à la critique systématique et parfois, pour ceux des extrêmes, à la révolte !

Alors je m’interroge et devant la complexité du problème, je me dis que seule une foi inébranlable en la capacité de notre espèce humaine à trouver peu à peu le moyen de surmonter les obstacles nous permettra de changer de modèle ! Mais des catastrophes ici ou là pourront-elles être évitées ? 

Henricles. A Silhac. Le 31 juillet 2021

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article