L'Europe : C'est encore d'actualité

Des Etats-Unis d’Europe ou l’inévitable déclin.

         La question de l’Europe unie est bien plus décisive qu’il ne paraît.

Il va de soi d’abord, pour quiconque réfléchit un tant soit peu à la situation économique et sociale, qu’il est quasiment impossible à un gouvernement français de mener une grande politique sociale qui implique une lutte radicale conte les inégalités, une politique fiscale de solidarité sans que cette même politique soit appliquée, peu ou prou, chez nos principaux partenaires. En effet une politique étroitement nationale et trop divergente par rapport à celle de nos voisins entraînerait une fuite des investisseurs, une accélération de la désindustrialisation, des délocalisations au profit des autres pays européens donc une aggravation de la situation. Un dirigisme français, des nationalisations massives, un certain protectionnisme  sont de fait  interdits par les traités européens et de plus seraient nuisibles, stérilisants. Cela provoquerait un repliement hexagonal source de déclin.

 Les partis et organisations divers à la gauche du parti socialiste entretiennent des illusions trompeuses au sujet des interdictions, des taxes qu’on pourrait soi-disant opposer aux entreprises !

Hors de l’Europe, du moins de l’Europe de nos partenaires principaux,  unis par leur politique budgétaire, fiscale et sociale, point de vrai salut durable tant nos économies sont étroitement imbriquées les unes dans les autres. Il y a certes, n’exagérons pas,  des marges de manœuvre des gouvernements  nationaux : augmenter l’impôt sur le revenu et mettre fin aux trop nombreuses niches fiscales est encore du ressort du gouvernement national. Favoriser la recherche et l’innovation, encourager les initiatives, lutter contre la bureaucratie proliférante, également.

Mais la marge est étroite.  Il y a encore trop de nos concitoyens qui n’ont pas conscience de cette interdépendance économique fondamentale résultat de plus de 50 ans de convergence européenne, à l’Ouest du moins.

Il est donc absolument nécessaire pour tout député européen, pour tout gouvernement d’œuvrer au rapprochement des politiques fiscales, budgétaires et économiques au sens large, des pays européens notamment des plus proches !  

Et pourtant,  le plus important pour l’avenir est ailleurs. Avez-vous étudié de près la situation dans la Chine d’aujourd’hui ? Et en Inde ? Et en Indonésie ? Et en Russie ? Et en Corée du Sud, en Corée du Nord ?

Et celle du Pakistan ? De l’Iran ? De la poudrière moyen-orientale ?  

Avez-vous lu tel ou tel ouvrage de Thérèse Delpech, par exemple « L’ensauvagement » qui date déjà de 2005 ?  (Hachette littératures. 01 2007) Ou le livre  « Le tigre blanc » de l’Indien Aravind Adiga ? (Buchet-Chastel 2008)

Non bien sûr, ni vous ni moi ne pouvons tout lire ! Et pourtant nous ne pouvons rester ainsi endormis dans notre confort tranquille d’une Europe de l’Ouest prospère et en paix, paix civile et paix extérieure depuis 1945 ! C’est trop grave pour nous, nos enfants et petits enfants.

Il n’y a aucune raison pour que seule l’Europe et quelques autres territoires privilégiés continuent à bénéficier de cette situation de paix et de prospérité, exceptionnelle dans l’Histoire.  N’oublions jamais que comme l’écrit Thérèse Delpech qui cite Georges Perec, l’Histoire s’écrit parfois avec un grand « H », mais toujours avec une grande… hache ! 

Nous Européens envoyons des « humanitaires » aux quatre coins du monde et aussi de l’aide et aussi des soldats dits de la paix ou des policiers et militaires divers contre les Talibans avec l’OTAN ou en Afrique ! Mais nous  ne jouons  aucun rôle dans les affaires du monde qui ne soit pas à la remorque des Américains souvent critiqués mais auxquels nous laissons le soin et de la défense de l’Occident et de la géopolitique. Nos présidents ou chefs de gouvernements sont toujours derrière les Américains, pour les approuver ou critiquer ou ne sont que des voyageurs de commerce. Pourquoi ? Parce que nous sommes encore divisés en 27 pays dont chacun a sa politique étrangère, sa politique de défense, sa diplomatie et défend ses intérêts étroitement nationaux !

Avec la Chine, on rampe, on accepte tout et au moindre froncement de sourcil des dictateurs chinois on tremble. Quant aux Russes, on a tellement besoin de leur gaz, qu’on n’a que mépris condescendant pour les avertissements des nouveaux membres de notre Union, ceux de l’Est, qui  savent mieux que nous par expérience ce qu’est l’impérialisme russe !

L’énorme Chine, déjà puissance nucléaire, toujours menée d’une main de fer par les successeurs ou les auteurs eux-mêmes d’un  des plus grands massacres du XX° siècle, la Chine, en développement rapide, qui se dote d’une marine de guerre puissante, de bases navales nombreuses, la Chine qui rêve de récupérer Taï-Wan, et qui récupèrera Taï Wan tôt ou tard, la Chine qui a une soif inépuisable de matières premières agricoles, minières et énergétiques, cette Chine demeure une des pires dictatures de notre époque et n’a jamais soldé les monstruosités perpétrées au long du XX° siècle, ne les a jamais reconnues comme telles. Son peuple et ses dirigeants sont accoutumés de longue date au mépris de la vie humaine des individus et ne se sont jamais « purifiés » des horreurs du « Grand Bond en Avant » et de la révolution dite culturelle.

La Russie est depuis quelques années à nouveau dirigée par les nostalgiques de l’URSS et de l’Empire. Il n’y a jamais eu le moindre procès sérieux organisé en Russie contre les dirigeants et leurs exécuteurs de basses oeuvres qui, par milliers ont perpétré les horreurs de la période stalinienne et celles des périodes suivantes ! Et les dirigeants actuels sont les héritiers de ces gens quand ils n’en étaient pas eux-mêmes ! Parler de démocratie à  propos de la Russie et continuer à supporter qu’un tel pays  soit membre du Conseil de l’Europe, est une sinistre plaisanterie. La Russie est une dictature sans vraie liberté de la presse, sans Justice indépendante, et une dictature quasi policière. De plus économiquement, l’État tout-puissant a remis la main sur les principales ressources énergétiques et s’en sert comme moyen de sa diplomatie de puissance. Les Russes viennent de dépecer la petite Géorgie avec l’aval des Européens qui n’en pouvaient mais, ce, après avoir, quelques mois auparavant, cruellement massacré des milliers de Tchétchènes. Ils exigent que l’Occident leur reconnaisse une zone d’influence dans les pays de l’ex-empire soviétique qu’ils veulent placer sous leur tutelle et les Européens ne s’y opposent pas vraiment.

Au Moyen-Orient, l’Iran est un grand pays de plus de 66 millions d’habitants qui veut être reconnu comme grande puissance régionale. Et c’est normal. Il a des réserves de gaz parmi les plus importantes du monde et une position stratégique qui lui permet de contrôler la route des hydrocarbures par le détroit d’Ormuz. Pays musulman chiite militant, l’Iran est hostile à la domination occidentale et entretient par l’argent et les armes des groupes terroristes actifs aussi bien parmi les Palestiniens que les Libanais, Afghans et autres Irakiens. L’Iran, pseudo démocratie, est gouverné par un  régime autoritaire, obscurantiste, qui condamne à mort à tour de bras, et viole quotidiennement les libertés, notamment celles des femmes.  

Peu de diplomates ou de services secrets doutent encore de la détermination de l’Iran à se doter d’arme nucléaire. Ahmadinejad ou pas, l’Iran continuera ses efforts pour accéder à l’arme atomique. Et y accèdera. Non pas, comme le croient ceux qui méprisent et haïssent les Musulmans du seul fait qu’ils sont Musulmans, non pas pour s’en servir et chercher à rayer  Israël de la carte, mais simplement pour être reconnu à part entière comme une grande puissance. Les élites iraniennes ne sont ni des irresponsables ni des fauteurs de guerre. Ils ne se serviront pas de leur arme nucléaire parce qu’ils savent qu’ils seraient alors rayés de la carte par la riposte nucléaire !  Mais ce sont des nationalistes et des chiites musulmans convaincus.

 Le vrai espoir de la négociation amorcée enfin par les Américains est, en échange de la normalisation des relations et de l’acceptation d’un Iran nucléaire, puissance régionale reconnue, d’obtenir son aide à la stabilisation du Moyen-Orient et peut-être aussi de l’Asie centrale.

Israël, Iran, Arabie  saoudite wahabite « islamiste », Égypte dictatoriale et misérable, aux foules pauvres facilement manipulées par les extrémistes, Liban multiconfessionnel fragile, Irak proche de la guerre civile et de la partition,  Turquie où une armée nationaliste n’est prête à aucune tolérance à l’égard des Kurdes, où armée et police torturent et massacrent s’il le faut, sans vergogne et où l’Islam fondamentaliste travaille les foules. Syrie dictatoriale. Palestiniens désespérés dont beaucoup en conséquence sont prêts à écouter les propagandistes de la Guerre Sainte : Une guerre grave et ruineuse, terrible pour le monde à cause des routes pétrolières peut éclater tous les jours dans cette région du monde.

Et l’Inde ! Hindouisme fanatique et violent de millions et millions d’Indiens ; minorité musulmane de plus de 150 millions d’Indiens qui subit l’agressivité des hindouistes et où peut alors se développer un islamisme militant dangereux. Un système de castes qui perpétue des injustices sociales et un mépris de pauvres insupportables. Une police brutale pour qui un pauvre est toujours un coupable. Une immense démocratie, certes, heureusement, mais où règne la corruption même si elle s’atténue un peu. Un peuple des campagnes misérable et méprisé. Une minorité intellectuelle et formée, de grande valeur, compétente, au nationalisme et à la fierté indienne ombrageux. L’arme nucléaire. La rivalité traditionnelle avec le frère ennemi pakistanais lui aussi nucléaire. Et la Chine voisine, la grande rivale.

La puissance indienne en développement est celle d’un peuple dont beaucoup d’élites se voient déjà parmi les nouveaux maîtres du monde, prenant enfin leur revanche de 500 ans de domination occidentale ! Violence, fanatisme religieux, mépris de la vie humaine, corruption, extrême pauvreté de grandes masses, analphabétisme encore répandu, l’Inde est aussi –surtout ?-  tout cela ! Même si la récente victoire du parti modéré et laïc qui fut celui de Nehru est une lueur d’espoir.

L’Indonésie est certes encore en retard par rapport aux autres. Il n’empêche, c’est un pays de 240 millions d’habitants à 90% musulmans, le plus grand pays musulman du monde, et si guerre il y a – pour certains cette guerre est une évidence et une volonté sacrée – entre Islam et Occident, les Indonésiens sont  spontanément du côté de leurs frères en religion. Et les Indonésiens, même en retard, sont un peuple sur la voie du développement rapide.

Il faudrait aussi nous alerter  sur l’abominable situation en Corée du Nord, où les dirigeants sont suffisamment cyniques pour enfermer et affamer leur peuple tout en se dotant d’armes nucléaires dont rien ne nous dit qu’ils ne seraient pas, eux, assez inconscients pour s’en servir un jour.

Arrêtons là ce tour du monde. Oublions le Nigeria, le Brésil, laissons-là le Vietnam, le Pakistan et tant d’autres.

Tous ces pays dont nous venons de parler, ne sont ni occidentaux comme nous, ni nourris de notre vieil humanisme. Ils n’ont inventé ni les Droits de l’Homme, ni la démocratie. Ni l’égalité homme femme loin de là. Au contraire, ils sont nombreux à refuser, tuer les petites filles à la naissance et considérer que seuls les garçons ont droit à l’éducation ! Quand on lit cela a-t-on immédiatement conscience de l’horreur de ce qu’on vient de lire ?

Par contre, ils ont tous subi au cours de l’Histoire, la domination brutale, méprisante, organisée et efficace des Européens.

Allemands, Belges, Hollandais, Italiens, Espagnols, Portugais, Français, Britanniques, tous les Européens de l’Ouest s’y sont manifestés ici ou là, en un siècle ou un autre, conquérants impitoyables, esclavagistes. Ce passé aussi unit les peuples de l’Europe !

Notre monde est dangereux. Il l’est comme il l’a toujours été  dans l’Histoire. Mais encore plus aujourd’hui à cause des armes et instruments que nous Européens, nous Occidentaux avons inventés comme nous avons inventé la plupart des biens de cette civilisation de l’information qui constitue aujourd’hui le patrimoine commun de notre globe mondialisé.

Le monde est dangereux. Il le sera tout au long du XXI° siècle comme il l’a été au XX° siècle. Au XX°, nous Européens, l’avons mis à feu et à sang pendant la guerre que Braudel appelait la guerre de Trente ans, 1914 / 1945.

Depuis, nous nous sommes à peu près calmés.

Mais les autres ne sont pas nous. Ni aussi riches et prospères. Ils n’ont pas autant à perdre que nous ! Ni aussi démocratiques. Ni attachés comme nous à la valeur absolue de la personne humaine. Ni prêts à renoncer à la puissance lorsqu’ils la sentent à portée d’eux, enfin ! Ce ne sont pas des sociétés où règnent le Droit et la Loi comme le sont à peu près devenues les nôtres.

Qui se rappelle qu’en 1962, Fidel Castro demandait à Khrouchtchev de déclencher la guerre contre les Américains y compris la guerre nucléaire ? Qui se rappelle que Mao était prêt à sacrifier dans une guerre nucléaire quelques centaines de millions de Chinois comme il n’a pas hésité à en sacrifier des millions dans la révolution culturelle ?

Qui ne sait que sont majoritaires dans le monde les pays où les armées ou les polices, selon les circonstances, torturent, violent, tuent,  massacrent, enfants, femmes, vieillards, n’importe qui tombe sous leur botte ? Qui ne sait que cela est accompli avec l’approbation ou sur ordre des plus hauts dirigeants ? Et combien de ces dirigeants sont-ils des potentats enrichis par le pillage légal ou non des richesses de leur propre peuple ?

Combien d’exécutions mortelles chaque année  en Chine ? De lapidations mortelles sous prétexte d’adultère, en Iran ?  De femmes et filles empêchées d’aimer, de s’instruire, de vivre libres en Afghanistan, en Chine au BanglaDesh, en Iran, en Arabie saoudite et dans des dizaines d’autres pays ?

Non ! Le monde est dangereux et les guerres ne sont pas seulement derrière nous. Elles sont aussi devant nous et nous devons tout faire pour acquérir la puissance qui nous permettra et de chercher à les éviter et de nous en protéger, à dissuader les adversaires potentiels.

Et que voyons-nous en Europe ? 27 pays, incapables de parler d’une seule voix, 27 pays, sans armée commune, sans diplomatie commune dans le monde. Haut, parfois très haut niveau scientifique et technique, richesse économique et financière, grandes entreprises encore puissantes, banques aux premiers rangs mondiaux, agriculture très productive, niveau d’instruction inégalé ailleurs, richesse patrimoniale énorme, réseau dense d’infrastructures de toutes sortes dont les autres sont largement dépourvus. Tout, oui, tout pour exciter chez les autres, envie, jalousie, désir d’y accéder eux aussi, d’en profiter, de participer à ce confort, cette opulence unique dans l’Histoire ! Et nous Européens n’avons pas conscience que cela pourrait être menacé !  Ô inconscience coupable de peuples repus et endormis !     

L’Europe actuellement désunie n’est rien, seulement force d’appoint pour les Américains et quantité quasi négligeable pour les décisions stratégiques !

Nous Français,  ne préserverons peut-être notre paix, notre prospérité au XXI° siècle que si nous agissons ardemment et rapidement pour que se constitue une Europe économiquement, socialement, politiquement et militairement la plus intégrée possible capable de parler d’une seule voix et d’une voix de grande puissance à l’égal des autres ! 

Les Etats-Unis d’Europe sont une urgente nécessité.

Et c’est un bonheur pour moi de savoir, que Ségolène Royal, a lancé un appel plusieurs fois des appels  à ces Etats-Unis d’Europe qui sont une nécessité. Puisse la prochaine présidente à partir de 2012 –Ségolène Royal ? – s’employer à en convaincre et nos concitoyens et quelques-uns de hommes ou femmes d’État de l’Europe.

Avril 2012