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Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Né en 1940. Deuxième partie B 1945 / 1975

 

 

1945 / 1975

A 17 ans, je découvre la guerre d’Algérie ! Quatre-cent mille militaires français sont en Algérie pour la « pacification ». Les jeunes qui font leur service militaire passent des mois et des mois en Algérie. J’ai autour de moi des cousins mobilisés et même mon propre frère. Et qu’est-ce que je découvre ? Que la « pacification », la lutte acharnée pour éloigner les Algériens du FLN qui se bat pour l’indépendance, est menée avec des méthodes honteuses, indignes ! Voilà que les témoignages se multiplient : l’armée française a organisé des lieux et méthodes de torture pour faire parler les Algériens qu’elle arrête ! C’est généralisé. On fait même participer à ces horreurs des jeunes du contingent. Mon cousin Bernard, a été abîmé par cette guerre et a eu le courage, lui, à 20 ans, d’affronter seul ses supérieurs pour leur signifier son refus absolu de certaines méthodes ! On l’a sanctionné…parce qu’il refusait la torture !

Bref, l’armée française, sous le nom de pacification mène en Algérie une « sale guerre » sous prétexte que ces méthodes sont seules efficaces pour lutter contre ceux qu’on appelle les « fellaghas » c’est-à-dire les rebelles. Et il y a les bombardements au napalm là où on croit que se planquent les « fellaghas ». Et les « corvées de bois » : lorsqu’on veut exécuter un « suspect », on l’envoie soi-disant chercher du bois…Il s’en va et on lui tire dessus avant qu’il ne s’éloigne ! Délit de fuite ! En fait, assassinat déguisé !  La sale guerre ! 

Et les divers gouvernements français cherchent à nous faire croire que la masse des Musulmans est favorable à l’Algérie française. Certains, à droite, osent raconter que les gens du FLN sont des communistes et que l’armée en Algérie défend la civilisation contre le Communisme !

Autour de moi, dans le milieu où je vis, en France, entre mes 17 et 22 ans, c’est le silence, le black-out. La plupart des gens s’en fichent ou disent que les tortures n’existent pas, qu’on doit défendre l’Algérie française, que ceux qui critiquent la guerre sont de mauvais Français, de mauvais patriotes !

Pour moi cette découverte est une violence morale grave ! Je croyais en la Patrie, en l’armée, une armée française issue de la Résistance contre les Nazis et je découvrais, à la fois, l’ampleur de la tromperie, et aussi ce qu’était vraiment le colonialisme. J’ai vite compris qu’en Algérie, il y avait la minorité des Européens d’Algérie, un million environ qui avait les meilleures terres, les principales richesses, tous les postes de commandement, et une majorité, les 9,5 millions de Musulmans, à l’époque, qui était une masse soumise, exploitée, souvent victime du racisme !  Autour de mes vingt ans, c’est un choc pour le garçon qui croyait en la pureté des siens et qui découvrait l’abîme qu’il y avait entre les affirmations morales et généreuses et les réalités ! « Glorieuses » ces années ? « Honteuses » plutôt !

Cette année 1957, hélas, nous subissons mes parents, mes frères et sœurs et moi-même, un autre choc, terrible : notre frère aîné, Pierre, pilote de chasse, ancien élève de l’Ecole de l’Air de Salon, s’écrase à bord de son avion à réaction, le 17 avril, près de la ville d’Orange où était sa  base. Il avait 23 ans ! L’avion a eu une panne au décollage. L’armée en a fait un héros parce qu’il aurait refusé de se sauver en sautant en parachute pour éviter que son avion porte le malheur sur la ville en s’y écrasant ! Comme je l’ai écrit par ailleurs, la mort arrache un fils à nos parents, nous prend un frère et installe à sa place un héros au panthéon familial et dans nos cœurs meurtris mais fiers ! C’était la fin d’un certain bonheur familial !

Pierre n’aura pas eu  à choisir lorsque l’Armée se divisa entre partisans de la fidélité à la République légitime et  putschistes fidèles à l’Algérie française !

J’avais vite compris aussi que cette colonisation d’oppression et de spoliation, s’accompagnait chez de nombreux Européens, de relations parfois sympathiques, amicales, entre eux et les Musulmans qu’ils côtoyaient dans la vie quotidienne. Que la colonisation avait été pour beaucoup de Musulmans, occasion de scolarisation, promotion, amélioration du niveau de vie.

Je comprenais aussi que la question était particulièrement complexe ! Les méthodes de lutte du FLN étaient cruelles, et les combattants algériens n’hésitaient pas à utiliser des moyens extrêmement violents contre des Européens et également contre les Musulmans qu’ils considéraient comme des traitres ou des rivaux. La guerre menée contre le mouvement nationaliste algérien rival du FLN, le MNA de Messali Hadj, fut particulièrement atroce. Contre les Européens, on ne compte pas les assassinats et les incendies dans les fermes. A Alger, des bombes, posées par de jeunes algériennes du FLN, semèrent la terreur dans des bars très fréquentés. Attrapées parfois par l’Armée, ces jeunes militantes « terroristes » étaient alors torturées horriblement et nombreux étaient celles et ceux qui approuvaient ces sévices, comme vengeance !

Torturer ! Au nom de la France !  « Sale guerre » !

Bref, mes vingt ans m’ont forcé à sortir brutalement du temps de l’innocence. Je croyais à la Patrie, je croyais naïvement à la sincérité de l’œuvre de civilisation de la France et, lors de ma première adolescence, je m’étais déjà projeté comme « missionnaire » en Afrique noire ! « Tintin au Congo » !

La guerre d’Algérie a mis violemment fin à toutes ces illusions et à 18, 19 ans, j’étais devenu un étudiant engagé avec l’extrême-gauche, contre les pouvoirs d’alors et pour l’indépendance de l’Algérie sans avoir jamais été ni marxiste ni communiste, mais plutôt un chrétien formé par la lecture d’Emmanuel Mounier et une fréquentation assidue de jeunes religieux Dominicains eux-mêmes très à gauche ! Je me rappelle encore douloureusement avoir dû une fois, à Sciences Po d’Aix où j’étais étudiant, affronter seul un groupe d’étudiant tous favorables à l’Algérie française, tous contre moi, qui m’accusaient de faire le jeu du communisme et d’être un mauvais Français ! Les imbéciles ! En 1959, à seulement 19 ans, j’avais compris bien avant eux et bien avant des millions de citoyens, trompés par leurs gouvernants, que « l’Algérie française », « tous Français, de Dunkerque à Tamanrasset » était une sottise, un mensonge, une propagande. En Algérie, Les partisans les plus obstinés de ce qu’on appelait « l’intégration », c’est-à-dire l’intégration complète de tous les habitants de l’Algérie quelle que soit leur origine, Européens et Indigènes à la pleine citoyenneté française, étaient ceux qui avaient toujours refusé de considérer les Musulmans comme leurs égaux, avaient été les plus farouches adversaires de cette « intégration » !

Le 5 juillet 1962, j’ai été invité à fêter avec des Algériens, à Marseille, l’indépendance de l’Algérie !

Cela ne m’a pas empêché de m’engager avec ardeur, dans un « boulot d’été » : j’étais, à Marseille, responsable d’un bureau où je recevais des familles de rapatriés d’Algérie, l’été 1962, et je leur trouvais des places en colonies de vacances pour leurs enfants ! Et là, j’étais tous les jours avec en face de moi, des « Pieds noirs » en détresse, victimes, de cette tragédie que fut l’abandon en catastrophe de tout ce qui avait été leur vie,  victimes, il faut bien le dire, de la propagande irresponsable de tous les gouverneurs, élus, militaires, notables qui leur avaient laissé croire à cette absurdité : « l’Algérie c’est la France » et « jamais nous n’abandonnerons l’Algérie terre française qui le restera » !

Et ce qui me bouleversait était triple. D’une part je trouvais dramatique d’avoir mobilisé des milliers de jeunes dans une sale guerre où certains perdaient leur âme, et apprenaient à cet âge encore pur, le racisme, le mépris des autres, la  violence terrible d’une guerre qu’on n’osait pas nommer !

J’étais aussi très sensible aux souffrances immenses qu’une grande partie du peuple algérien subissait dans cette guerre !

Et, d’un autre côté, je ne voyais pas de bonne solution autre qu’utopique pour le million d’Européens qui vivaient en Algérie, qui y étaient nés, pour qui c’était leur terre, leur vie, et qui, selon moi avaient bien le droit de continuer à vivre « chez eux » ! Utopie parce qu’il eût fallu qu’ils admettent de partager avec la majorité des Algériens, un pouvoir et des richesses qu’ils avaient monopolisés jusque-là ! Et on comprenait vite que non seulement ils n’étaient pas prêts à cette nécessaire « conversion » mais qu’au contraire, à part une minorité, ils se raccrochaient aux promesses irresponsables de politiciens et généraux bornés ou dévoyés, promesses d’une Algérie française éternelle !

 

En 1962, alors que la guerre en Afrique du Nord se termine enfin, d’autres problèmes assaillent le jeune étudiant que j’étais, étudiant en Histoire et Sciences politiques passionné par ce qui se passait dans le monde et en France.

Si j’avais choisi ces études, et Histoire et Sciences-po, à la faculté d’Aix-en –Provence, c’était, non pas pour y trouver un métier, une profession, mais tout simplement pour acquérir les outils qui me permettraient de comprendre notre société et ses mécanismes sociaux. Et puis ensuite, tout naturellement, soit pour ne plus être une lourde charge pour mes parents désargentés, soit ensuite pour vivre indépendant avec ma femme, dès 1962, j’ai commencé à enseigner, à temps partiel puis à temps plein et ce fut mon métier pendant plus de 12 ans dans une première étape ! Que faire d’autre avec une licence d’histoire et des études de Sciences po interrompues avant terme pour des raisons de crise sentimentale de mes vingt ans ?

En 1962, en effet, éclate ce qu’on a appelé « la crise des fusées de Cuba ». Je l’ai vécue intensément. Le monde est passé, pour la première fois depuis le début de « la Guerre Froide », de  l’affrontement entre le bloc communiste et le bloc occidental, au bord de la guerre, la vraie, la guerre avec les armes thermonucléaires ! Finalement la raison a prévalu : Nikita Khrouchtchev a choisi d’accepter les exigences américaines au sujet de Cuba et des armes que les Soviétiques voulaient y installer ! Pour éviter la guerre, Khrouchtchev alors le maître de l’URSS, a capitulé devant le président Kennedy. Celui-ci était décidé à arraisonner les navires soviétiques qui transportaient les installations destinées à une base soviétique à Cuba ! Autant dire que Kennedy prenait ainsi le risque de déclencher les hostilités directes contre les Soviétiques ! On n’imagine pas, en effet, que les autorités soviétiques auraient accepté sans réagir une intervention de l’US Navy contre leurs navires ! Alors Khrouchtchev  a renoncé à installer dans l’île de Cuba, à portée du territoire américain, des fusées capables de lancer des missiles sur Washington ou New-York en quelques minutes. Ses navires ont fait demi-tour ! A deux doigts de la guerre ! On a appris, avec certitude hélas,  après la chute de l’URSS, que Fidel Castro avait insisté auprès de Khrouchtchev pour qu’il ne cède pas aux Américains, même au prix de la guerre !

Certes je n’étais évidemment pas concerné moi-même par la crise des fusées de Cuba en 1962 ! « Fiancé » comme on disait encore dans  ma famille, depuis 1961, je travaillais comme prof et tentait de finir ma licence. Mais j’avais déjà attrapé le virus de la « res publica » de la « chose publique » et cela n’a jamais cessé : je suis devenu un passionné des affaires publiques. La carrière politique m’a tenté. J’ai été proche des militants qui refusaient le marxisme et le communisme mais qui souhaitaient l’avènement d’une société plus juste, plus égalitaire, d’une société socialiste libre. J’ai adhéré, l’espace de quelques semaines au PSU de Michel Rocard. Mais j’ai vite compris que pour entamer une carrière politique, au début, il fallait savoir « fermer sa gueule » et se mettre dans le sillage d’un chef, d’un leader à approuver toujours ! Bref, j’ai vite compris que la politique exigeait de ranger au magasin des accessoires inutiles, les  scrupules éthiques et les vérités gênantes !

Adieu la carrière politique ! Lorsque Rocard est finalement entré au parti socialiste, en 1974, dans ce parti transformé par Mitterrand en rampe de lancement pour sa conquête du pouvoir, je n’ai pas voulu le suivre. J’avais déjà renoncé à  une carrière politique.

Et pourtant ! Le pape François est très clair au sujet de la politique et c’est bien cette politique-là qui m’intéresse, oriente mon travail et mes actions. Lisons le pape François : « Pour beaucoup de personnes, la politique est aujourd’hui un vilain mot et on ne peut pas ignorer qu’à la base de ce fait, il y a souvent les erreurs, la corruption, l’inefficacité de certains hommes politiques…Mais le monde peut-il fonctionner sans la politique ? Peut-il y avoir un chemin approprié vers…la paix sociale sans une bonne politique ? Une fois de plus j’appelle à réhabiliter la politique qui est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun » (Pape François. Encyclique Fratelli tutti. Pages 125 et  128 Edition Bayard Mame Cerf. Octobre 2020).

De ce point de vue « la politique » aura été et restera, en dehors de ma vie familiale et professionnelle,  mon principal centre d’intérêt !

Malheureusement, je n’ai pu vivre vraiment Mai 68 ! Je travaillais encore comme maître auxiliaire dans le privé et nous étions complètement coupés et des enseignants du public et de l’université. Sensible au vent de liberté, de remise en cause des statuts rigides, des hiérarchies figées, enthousiaste de la critique du matérialisme étroit de la société dite de « consommation » j’ai aimé « Mai 68 » mais je n’ai pu y participer réellement ! Dans l’école où j’enseignais, nous nous étions bien mis en grève mais on ne savait pas trop pourquoi sinon suivre le mouvement général ! Et nos élèves de Terminale faisaient pression pour que nous reprenions le travail : ils pensaient à leur bac ! Ceux-là, loin de contester les profs, réclamaient leurs cours avec leurs profs dans les classes !

Pendant ce temps-là, au lycée public Thiers le plus prestigieux de la ville, celui des classes prépas, les élèves en révolte, contestaient toutes les hiérarchies, les cours, les notes, les classements et avaient renommé  le lycée « Commune de Paris » !

J’avais été déçu par les aspects proprement politiques de Mai 68 ! Autour de moi, à gauche, je n’entendais que des discours marxistes ou des proclamations soi-disant révolutionnaires qui, je le savais, ne pouvaient être prises au sérieux ! Et après, ce fut encore pire !

L’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS et ses vassaux le 21 août 1968 avait été pour moi une vraie catastrophe, qui mettait fin à l’espoir d’une société  socialiste libre.

Ce jour-là, nous étions en vacances en Ardèche, Renée, nos deux enfants et moi. Informé par une mauvaise petite radio, bouleversé, je saute dans ma voiture et vais à la ville proche, Lamastre, m’acheter un bon poste radio de qualité de façon à pouvoir bien suivre les événements ! Ce poste fonctionne toujours !

Après Mai 68 et ces événements, je ne pouvais comprendre que le combat pour une telle société libre et juste soit en France mené encore au nom du Marxisme ! Je n’ai plus jamais cru ni en une quelconque révolution ni en une prétendue lutte des classes salvatrice d’où sortirait un monde meilleur. Je croyais, naïvement encore, qu’on devait tenter de remplacer le capitalisme par un autre système, plus juste, plus respectueux des travailleurs, plus moral. Je n’admettais pas le pouvoir tout puissant des patrons d’entreprises sur le travail de leurs salariés. Et l’autogestion par les citoyens était selon moi un idéal vers lequel il fallait aller !

 En 1971, à la demande de l’Union départementale Drôme-Ardèche  de la CFDT, j’ai écrit et publié un livre qui racontait comment le patron des entreprises « Montagut » avait lutté durement et efficacement contre l’implantation de sections syndicales dans son entreprise pour y conserver un pouvoir à l’abri des représentants des travailleurs. C’était un petit livre anticapitaliste, dur, que je ne réécrirais plus aujourd’hui parce que je n’avais à l’époque, même pas cherché – et j’avais eu tort !- à connaître le point de vue du patron et à l’interroger !

A cette époque, catholique fervent, endoctriné par des prêtres d’extrême gauche ou syndicalistes je n’avais pas encore compris le rôle essentiel, fondamental, de l’esprit d’entreprise, de l’audace créatrice, de la prise de risque, de l’innovation, qui, à côté de la recherche du profit, anime bien des chefs et cadres supérieurs d’entreprise et assure, de fait, la prospérité de nos sociétés occidentales. Sans entreprise prospère ni emploi, ni salaire ni production. Je ne voyais encore que le combat nécessaire – que je crois encore nécessaire – pour plus de justice sociale, moins d’inégalité, plus de respect des travailleurs trop souvent humiliés, aliénés, mal considérés et mal payés !

 Depuis, le capitalisme s’est maintenu, les velléités révolutionnaires et transformatrices des militants de gauche ou d’extrême-gauche ont complètement échoué dans leur volonté de l’abattre.

Par contre, dix ou quinze ans après, c’est le socialisme communiste qui s’est effondré et bien des gens, de gauche ou non, n’ont pas vu que cela signifiait la victoire par K.O. du capitalisme, le triomphe de l’économie de marché et, selon les Américains et leurs disciples, du libéralisme ! Comme une évidence pour eux !

Mais nous sommes alors entrés dans une autre époque.

Henricles. A Silhac. Le 05 01 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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