L’homme politique et le penseur.

L’homme politique  et le penseur.

Ci-dessous, une synthèse rapide de propos tenus récemment par un homme politique de premier plan et un penseur très célèbre de notre société

Le Politique.

Nous affrontons actuellement une série de crises et de ruptures. On est à un moment de notre humanité où, au fond, on a rarement eu une telle accumulation de crises de court terme, comme l’épidémie et le terrorisme, et de transitions profondes et structurantes qui changent la vie internationale et qui ont même des impacts anthropologiques : je pense au changement climatique comme d'ailleurs à la transition technologique, au rôle des réseaux sociaux qui transforment nos imaginaires… »

Crise du Covid. Crise de la biodiversité menacée Crise du changement climatique. Crise du terrorisme.

Crise liée à un capitalisme financiarisé, hyper concentré, qui engendre des inégalités insoutenables aussi bien entre les sociétés que dans nos sociétés. Capitalisme incapable faire face au problème urgent du changement climatique.

Il y a nécessité prioritaire de la transition écologique ; nécessité d’une profonde transformation à la fois écologique et sociale, besoin de modifier nos façons de produire et, au fond, de modifier le cœur de notre système !

Le penseur, le philosophe

Depuis deux décennies j’essaye de résister à deux barbaries apparemment opposées, la barbarie venue du fond des temps historiques de la haine, de la domination, du mépris et la barbarie froide et glacée issue de notre civilisation.

Nécessité de lutter sur deux fronts : celui de la résistance à la xénophobie, aux racismes, à l’islamophobie, à l’antisémitisme…et celui de l’action contre les fanatismes meurtriers qui portent en eux toute les vielles barbaries

…La conjoncture est régressive, tous les antagonismes se renforcent les uns les autres…les deux décennies précédentes comportaient de graves régressions politiques, économiques, sociales, éthiques et intellectuelles. Crise généralisée de la démocratie, nouvelles persécutions des minorités religieuses (Inde ; Chine), hégémonie du profit, ravages économiques suscitant des révoltes populaires – toutes réprimées comme en Algérie et en Biélorussie –domination d’un type de pensée fondé sur le calcul et l’hyperspécialisation, qui rend incapable de concevoir et comprendre la complexité des problèmes humains aussi bien individuels que nationaux et planétaires.

Le politique.

On voit qu’on a une crise du cadre multilatéral de 1945 : une crise de son effectivité, mais, plus grave à mes yeux, au fond, une crise de l’universalité des valeurs portées par ses structures. Il y a un relativisme contemporain qui vient, qui est vraiment une rupture, et qui est le jeu de puissances qui ne sont pas à l’aise avec le cadre des droits de l’homme des Nations Unies. Il y a très clairement un jeu chinois, un jeu russe sur ce sujet, qui promeut un relativisme des valeurs et des principes, et un jeu aussi qui essaie de reculturaliser, de remettre dans un dialogue de civilisations, ou dans un conflit de civilisations, ces valeurs, en les opposant à l’aune du religieux par exemple. Tout cela est un instrument qui fragmente l'universalité de ces valeurs. Si on accepte de remettre en cause ces valeurs, qui sont celles des droits de l’homme et du citoyen, et donc d’un universalisme qui repose sur la dignité de la personne humaine et de l’individu libre et raisonnable, alors c’est très grave

Le penseur

… « Le plus dangereux est que, comme il est arrivé plusieurs fois dans le passé, deux France se dissocient et s’opposent…une France républicaine et laïque a vaincu la France monarchiste, catholique et conservatrice. Qu’adviendra-t-il après le déconfinement qui impose une mise au réfrigérateur provisoire du conflit qui sinon risque d’exploser dans le pays ?….Deux France s’affrontent déjà en paroles : la France identitaire et la France humaniste…Pour le moment les deux France ne sont pas encore cristallisées et il va  y avoir des décompositions et recompositions politiques. Je vois bien la possibilité d’une politique de salut public…pour une nouvelle voie économique, sociale, écologique…je ne la vois incarnée jusqu’à présent ni en une organisation ni en un leader….

…En revanche, je vois la possibilité du surgissement d’un outsider pour représenter l’ordre et la discipline, c’est-à-dire l’autre France, comme le général Villiers »

Le politique.

L’Europe n’est pas qu’un marché. Implicitement, depuis des décennies, on fait comme si l’Europe était un marché unique. Mais nous n’avons pas pensé en interne l’Europe comme un espace politique fini. Notre monnaie n’est pas parachevée…..L’Europe doit se repenser elle-même politiquement et agir politiquement pour définir des objectifs communs qui ne sont pas simplement une délégation de notre avenir au marché.

, l’Europe a besoin de bâtir ses propres solutions pour ne pas dépendre d’une technologie américano-chinoise. L’Europe doit exister comme espace politique.

…Il est indispensable que notre Europe retrouve les voies et les moyens de décider pour elle-même de compter sur elle-même, de ne pas dépendre des autres, sur tous les chantiers, technologique, comme je l'ai dit, mais aussi sanitaire, géopolitique.

Il y a pour moi un autre défi, qui est que l'Europe reprenne le flambeau de ses valeurs. Elles sont en train d'être abandonnées partout….Le combat de notre génération en Europe, ce sera un combat pour nos libertés. Parce qu'elles sont en train de basculer. Et donc,… il va falloir défendre les Lumières face à l'obscurantisme. Cela est sûr.

Le penseur

Les espoirs d’un grand réveil écologique, d’une grande réforme de la mondialisation…décroissent partout. Très minoritaire est l’élan vers une renaissance de la pensée politique qui indiquerait une nouvelle voie démocratique…En revanche, les manichéismes et fanatismes progressent, les nationalismes et racismes s’exacerbent. ….

…si la grande régression se poursuit nous allons vers des systèmes post démocratiques disposant de moyens multiples de contrôle des individus désormais offerts par les techniques selon le modèle pratiqué déjà par la Chine.

…Le cours probable des événements est suprêmement inquiétant. On ne peut même écarter l’hypothèse d’une conflagration se généralisant à partir d’un accident type Sarajevo comportant des guerres de type nouveau…batailles de robots et, pire, missiles nucléarisés.

Conclusion

Les interrogations des deux hommes se rejoignent partiellement mais si le politique est inquiet et pense que la situation est très grave, il parle des voies et moyens de surmonter les crises et ruptures. Il propose notamment, dans un passage non cité ici, un grand partenariat Europe-Afrique après avoir rappelé la grande rupture démographique d’une Europe en déclin et une Afrique de plus en plus peuplée. Un partenariat d’égal à égal qui s’appuierait sur les « parts d’Afrique » qui sont dans nos sociétés, vues comme chance et non comme problème !

Le penseur, lui, est bien plus craintif. Il voit un processus de régression à l’œuvre chez nous et s’il espère un renouveau politique, il ne le voit pas venir. Enfin alors que le politique se contente de faire part de sa vive inquiétude et de proposer des solutions le penseur, lui, appelle à un grand réveil mais, dans ses hypothèses, n’exclut pas qu’arrive le pire. Il n’exprime aucune confiance en ceux qui sont en ce moment au pouvoir en France.

Le politique.

 C’est Emmanuel Macron qui a donné une interview le 12 XI 2020 à la revue « le Grand Continent », d’où j’ai extrait ses réflexions.

Le penseur

C’est Edgar Morin interviewé dans « Le Monde » du 21 novembre 2020 que je cite ici partiellement.

Henricles. A Silhac le 25 XI 2020