29 Mars 2013
Autant le dire tout de suite : cet article-ci me coûte.
L’auteur de ces chroniques appartient à cette génération qui a vu en même temps la prospérité, le bien-être, augmenter dans l’Europe occidentale d’après-guerre et – est-ce un hasard ?- nos pays marcher vers une Europe unie où peu-à-peu les diverses barrières et frontières disparaissaient tandis que les Européens étaient de plus en plus nombreux à voyager ou s’installer les uns chez les autres. On se réjouissait d’être, définitivement croyait-on, débarrassé du spectre de la guerre. Et on allait vers une Union toujours plus étroite entre nos pays.
Et maintenant lorsque je considère avec lucidité ce qui se passe aujourd’hui dans ce qu’on appelle encore « L’Union Européenne », c’est l’accablement qui domine, la désillusion, la tristesse même ; celle du citoyen nourri d’Histoire, qui espérait voir peu à peu nos vielles nations accepter de s’unir – mais non pas disparaître ! – dans des États-Unis d’Europe, seule solution pour garder ou retrouver un rôle indépendant dans un monde dominé de plus en plus par les géants d’aujourd’hui et de demain (États-Unis d’Amérique ; Chine ; Inde ; Indonésie ; Brésil, multinationales et Banques…) !
Qui aurait, il y a seulement 12 ans, imaginé ce qui se rencontre aujourd’hui en Europe occidentale ? Presque 70 ans après la fin de la guerre et du Nazisme, alors que les Allemands ont depuis longtemps fait leur examen de conscience collectif et reconnu leur culpabilité passée, alors qu’ils ont été « punis » notamment par 45 ans de division forcée de leur pays, alors qu’ils ont courageusement et sans la solidarité des Européens à eux refusée, payé très cher la réunification, alors qu’ils ont renoncé à la guerre et à tout rôle politique international important, alors qu’ils ont de nombreuses fois proposé de fondre leur souveraineté d’ État allemand dans une Europe fédérale, l’inimaginable se produit : En Grèce, à Chypre, au Portugal, en Espagne, en Italie, on brûle des drapeaux allemands, on affuble leur chancelière de moustaches à la Hitler et de croix gammées, bref, de violents sentiments antiallemands se répandent. Et en Allemagne, hélas, une presse populaire démagogique fustige les peuples de l’Europe du Sud déjà désignés par l’acronyme méprisant de PIGS, (cochons) : Portugal, Italie, Grèce, Espagne (Spain) !
Partout dans « l’Union », des partis extrêmes discourent contre l’Europe et rencontrent des oreilles attentives et complices. En France. Aux Pays-Bas. Au Danemark. Au Royaume-Uni. En Italie.
Au Royaume-Uni, le Premier Ministre veut organiser un referendum sur la sortie de son pays de l’Union Européenne. Il annonce sa volonté de limiter sinon supprimer les droits économiques et sociaux que les citoyens des pays membres de l’Union ont, chez lui comme dans les autres pays de l’Union, en tant que citoyens de cette Union ! Alors que les gouvernements du R.U. ont signé et ratifié les traités qui les énumèrent et organisent !
Il existe soi-disant une « Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères » et des dizaines de fonctionnaires avec elle, chargée de la « diplomatie » de l’Europe. Depuis des années nos présidents nous parlent de « Défense européenne ». De nombreux traités ont solennellement déclaré la volonté des pays membres de marcher vers une union politique. Et la France, toute seule, sans aucune négociation avec ses alliés européens, lance son armée nationale dans une guerre où elle engage durablement 5000 hommes et ses meilleures forces ! Et aucun de ses partenaires ne participe si peu que ce soit à une guerre que pourtant ils soutiennent tous officiellement ! La France fière de son rôle de prétendue « puissance » et les autres qui… regardent !
Et un sondage affirme que 66 % de nos concitoyens souhaitent que la France maintienne son rôle de « grande puissance » ! Pauvres ignorants volontairement laissés dans cette ignorance par tous nos dirigeants de droite comme de gauche, ils ne savent pas que « La France » dont ils se gargarisent aurait été incapable de monter une opération telle que celle de Libye ou du Mali sans l’aide des USA, donc sans leur accord ! (besoin des avions américains ravitailleurs en vol et des renseignements des drones américains). Ils ne se rappellent déjà plus que les USA à propos de la Libye, ont exigé que l’opération engagée par la France passe rapidement sous l’autorité de …l’OTAN !
Il n’y a pas de puissance française indépendante ! Quel dirigeant aura le courage – mais la franchise respectueuse de la démocratie – de le reconnaître ?
L’Union Européenne n’est pas dirigée. Entre Conseil européen, Commission, Euro groupe et Parlement, c’est la paralysie ou tout comme. Ils ont décidé depuis des mois de marcher vers une nécessaire Union bancaire et pendant leurs atermoiements, n’ont pas vu arriver ni su prévenir la crise chypriote. Pire que cela, ils n’ont même pas su résister au FMI et ont accepté dans un premier temps de violer sans vergogne la sacro-sainte règle de la garantie des dépôts bancaires !
On peut critiquer la BCE. On peut mettre en cause sa légitimité vu qu’elle n’est composée que de gens non élus. On doit bien constater les deux évidences suivantes qu’aucun économiste ni observateur un peu sérieux ne saurait contester :
C’est la seule institution réellement fédérale. Chacun des pays membres de la Zone Euro lui a délégué sa « souveraineté monétaire »
Or, seule l’action de la BCE a sauvé la zone Euro et rassuré les fameux « marchés » grâce aux engagements solennels de son Président de tout faire pour sauver l’Euro !
Depuis au moins la première présidence de Chirac (1995), l’Union de l’Europe ne cesse de reculer. Chaque gouvernement cherche à défendre les intérêts de ses ressortissants et personne n’agit en fonction de l’intérêt collectif. Il y a tellement d’institutions différentes pour prendre les décisions que celles-ci ne sont prises que lentement et difficilement et leur mise en œuvre est encore plus lente.
Sans aucune prudence ni nous demander le moindre avis, les gouvernements ont intégré rapidement des pays aussi différents que la Roumanie, la Bulgarie et Chypre sans veiller à un minimum de cohérence. Et aujourd’hui ils s’affolent des conséquences que cela pourrait entraîner sur les déplacements de population et expulsent les Roms à tour de bras et ont peur d’être submergés par les nouveaux citoyens de l’Union !
Ils ont laissé entrer Chypre sans se soucier que c’était un paradis fiscal ! Ils n’ont jamais, jamais réussi à imposer un minimum de fiscalité commune et ainsi Irlandais et Chypriotes ont fait du « dumping fiscal » pour attirer chez eux les capitaux et les investissements ! Et ne parlons pas du Luxemburg et des îles anglo-normandes !
Ils ont osé laisser entrer Chypre dans l’Union alors que la Turquie occupe une partie du pays et s’oppose à ce que Chypre soit dans l’OTAN ! Allez y chercher une quelconque logique !
Enfin, on terminera cette revue des incohérences et de l’irresponsabilité des dirigeants européens par la remarque suivante. Tous les économistes et de nombreux experts savent qu’il est nécessaire de marcher vers une vraie union budgétaire et union fiscale dans la zone Euro si on veut qu’elle soit stable. Cela fait plus de 4 ans que la crise a commencé : on en est encore à des discussions interminables et aucune union fiscale n’est même seulement mise en chantier !
Ils ont choisi le déclin. Les quelques lucides qu’il y a parmi eux le savent. Peu leur chaut ! La seule chose qui leur importe vraiment, leur obsession, c’est leur réélection. Ils n’ont aucun Projet européen à proposer ! Ils en ignorent même l’expression. Ils ne connaissent plus que les mots soufflés par leur communicants qu’ils payent très cher pour maintenir ou regagner leur popularité !
Alors, si les peuples semblent se détourner de l’Europe, si les décisions non prises ou retardées mènent à des blocages, si les peuples se replient sur leur sentiment national ou régional à cause d’une Europe sans projet autre que l’austérité et les milliers de circulaires insupportables de Bruxelles, alors, les présidents et leurs ministres ou sous-ministres prennent peur : Surtout ne pas trop parler d’Europe Unie ! Parlons plutôt de la puissance de notre armée (en France !) de la « méchante Merkel » en France mais aussi en Grèce, Espagne, Italie, au Portugal. Et parlons de nos intérêts de Britanniques au R.U.
Sinon nous ne serons pas réélus !
Et voilà comment on en est arrivé là ! Des croix gammées pour stigmatiser les Allemands. Des peuples traités de « cochons » !
Conclusion
Ne pas perdre espoir. Les graves reculs de ces tristes années peuvent laisser place un jour à de vraies avancées. Un François Hollande, qui vient d’une famille politique d’Européens convaincus, peut encore à partir de 2014, si la situation de la France s’est enfin améliorée, retrouver le courage d’initiatives innovantes pour l’Europe. Il a encore 4 ans devant lui. François Hollande peut encore se révéler et une fois son autorité renforcée par le redressement de nos finances publiques et proposer de vraies avancées vers plus d’union en Europe. On peut ne pas avoir d’illusion mais aussi dire et écrire qu’il est beaucoup trop tôt pour imputer au Président actuel les erreurs et décisions irresponsables de ses prédécesseurs
Et ne pas perdre espoir. Parce qu’il y a ce que l’auteur de ces lignes a éprouvé récemment ! Et ça, c’est la grande Espérance ! Voyez ci-dessous.
Cet été, au centre Beaubourg de Metz au cours de la visite de l’exposition « 1917 » vue ce jour-là par à peu près autant d’Allemands que de Français, j’ai soudain senti qu’aujourd’hui, cette honteuse tuerie que fut la guerre de 14 / 18, nous unissait, nous Français à eux Allemands, oui, nous unissait aujourd’hui dans le rappel de souffrances partagées et également vécues et la certitude que nos peuples ne se laisseront plus jamais entraîner dans ces horreurs par leurs chefs ! Visiteurs allemands, belges ou français de cette exposition nous étions là comme des frères qui regardions ensemble et tous, nous demandions comment on avait pu ordonner aux grands-parents des uns d’infliger tant de souffrances aux grands parents des autres et réciproquement !
Garder l’Espoir malgré ces dirigeants qui nous ont conduits là.
Henricles 29 mars 2013