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Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Nos amis Roms II

Trente-quatrième partie.

Nos amis Roms.  II

 

 Aller chez les Roms en Roumanie, mais où ? Nous comprenons qu’ils viennent du nord-ouest de la Transylvanie, près de la Hongrie. C’est très loin de Bucarest que nous aurions eu envie de connaître. Le mieux est d’aller en avion jusqu’à Cluj-Napoca la capitale de la Transylvanie et d’y louer une voiture pour nous rendre jusqu’à Oradea la grande ville proche de leurs villages. A Cluj, nous avons le nom et l’adresse d’un universitaire que nous avons rencontré à Saint Etienne qui est en lien avec la communauté Rom. Mais à Oradea à plus de 130  kilomètres de Cluj, nous n’avons aucun point de chute ni personne pour nous orienter. Aucun ? Un ami de solidarité-rom nous indique que la fille française d’un de ses amis vit à Oradea et est mariée avec un Roumain. Chance ! Nous lui disons que nous aimerions la rencontrer et donc entrer en relation avec elle ! « D’accord » nous dit-il.

Quelques jours après, grande déception : le père nous fait savoir que sa fille ne peut ni nous rencontrer ni avoir de contact avec nous ! Pourquoi ? Son mari roumain s’y oppose : il refuse d’avoir la moindre relation avec des Français qui viennent pour voir des Roms !

Avant même notre départ pour la Roumanie c’est un  premier choc !

Deuxième choc, cette fois, à Cluj. L’ami nous reçoit merveilleusement, et comme visite « touristique » nous emmène dans la périphérie de la ville voir l’immense bidonville où sont parquées les familles Roms de Cluj ! Et ce qu’il nous raconte sur la condition des Roms de son pays nous permet de deviner ce qu’ils fuient lorsque de Roumanie ils viennent en France. Malheureusement il n’a aucun lien à Oradea où nous allons et ne peut nous aider. Après deux ou trois jours à visiter cette belle ville de Cluj, nous partons en voiture vers Oradea.

Avant de partir de Cluj, nous avions rencontré par hasard un groupe de jeunes Français, étudiants en médecine, venus ici parce que ces études y sont moins sélectives qu’en France. Lorsque nous leur avons expliqué les raisons de notre venue en Roumanie, aussitôt ils nous ont invités à observer de vastes et opulentes maisons, à la décoration « tape-à-l’œil » : « Ah ! Les Roms, regardez ce qu’ils se font construire ! Ils ne sont pas aussi pauvres que vous pourriez le croire ! ». En effet dans beaucoup de localités nous remarquerons ces maisons impressionnantes de volume et de décorations clinquantes qui appartiennent à des Roms. Parfois au pied de la maison on voit de belles voitures immatriculées en France ou en Grande Bretagne. On raconte que leurs propriétaires en sont des trafiquants enrichis dans des activités illicites dont ces maisons seraient le fruit ! Cela existe c’est sûr. Mais comment, dans une population qui regroupe peut-être plus d’un million d’habitants, sinon deux, n’y aurait-il pas, comme dans toute collectivité humaine importante, un contingent de criminels, voleurs ou autres personnes peu recommandables ? Nos jeunes étudiants ont beau dire, ces maisons de quelques parvenus à la richesse tapageuse et suspecte ne changent rien à la condition désolante et indigne de la majorité des populations d’origine Rom ici en Roumanie.

 Les familles de Saint Etienne ont été incapables de nous donner d’adresse précise. Nous connaissons à peu près le nom de leurs petits villages, mais où sont-ils ? Nous prenons pension dans une  famille – d’origine hongroise - d’une petite ville près d’Oradea et des villages où nous devrions rencontrer « nos » Roms !

Nous découvrons dans cette région l’importance de la population qui parle Hongrois ! En effet la Transylvanie a  été rattachée à la grande Hongrie et n’a été incorporée à la Roumanie qu’après 1918 et il y eut ensuite encore de nombreuses péripéties. Les relations entre Hongrois, anciens dominateurs et Roumains ont longtemps été conflictuelles. Aujourd’hui les choses se sont apaisées mais le nationaliste réactionnaire qui est à la tête de la Hongrie, Orban cherche à ranimer en Transylvanie roumaine, le nationalisme hongrois !

Revenons à nos familles. Elles n’ont donc pas su nous donner d’adresse précise. Nous avons des noms de villages. Enfin nous arrivons à en rencontrer et c’est un vrai bonheur. Ils sont très heureux que nous soyons venus chez eux et nous reçoivent avec chaleur ! Et comme certains en ont l’habitude, ils nous servent un repas, vite préparé, que nous allons manger seuls pendant qu’ils sont là à côté. Curieusement, ils ne s’attablent pas avec nous. Dans l’un des premiers villages, nous sommes heureusement surpris de l’ampleur et l’aménagement apparents de la maison de nos amis Marius et Magdalena. Espace, chambres de princesses bien décorées. Etrange ! Nous comprendrons vite que ces familles vivent de presque rien en France et épargnent au maximum pour pouvoir faire construire dans leur pays, en Roumanie, une belle et confortable maison. En fait, nous découvrirons que malgré  l’opulence apparente et la grandeur de la maison, le confort intérieur en est très sommaire. Y a-t-il vraiment eau courante, toilettes équipées, cuisine bien aménagée ? C’est moins sûr. A leurs yeux, semble-t-il, l’apparence « clinquante » compte d’abord !

Nous retrouvons avec heureuse surprise Gratian et les siens qui sont installés depuis longtemps en Écosse et que nous avions évidemment perdus de vue. Nous revoyons aussi une famille mal adaptée en France, revenue vivre en Roumanie et contente de son sort. La maison où ils sont paraît leur convenir. Une des filles s’est mariée et elle nous accueille avec un sourire heureux et chaleureux alors qu’en France, elle restait lointaine et sauvage ! Ses parents eux aussi sont surpris et contents de nous revoir.

Mais les « villages » où sont ces familles sont loin de tout, de tout magasin, toute école, de tout transport en commun, toute administration. Il y a un groupe de familles installées sur ce qu’on pourrait appeler un tas de cailloux : le chemin pour accéder « chez eux » est si pentu, si mauvais que j’hésitais à le suivre jusqu’à leurs habitations de peur d’abîmer la voiture de location qu’il me fallait pouvoir rendre en bon état ! Une fois parvenus au but, nous avons été attristés du spectacle que nous  avions sous les yeux : des cahutes au milieu de la terre et des pierres, sans installation sanitaire quelconque. Une maison construite en parpaings, mais sans toiture avec des fers à béton qui pointent au-dessus des murs ! Là, quelques dizaines de Roms, de tous âges, certains manifestement handicapés mentaux. En ces lieux, Il n’y a rien, vraiment rien ! Des parents que nous venons saluer en partant ont aussitôt le réflexe de tendre leurs mains de mendiants dès qu’ils nous voient ! Au sommet de cette colline pierreuse on nous montre une minuscule maison, quatre murs et un toit, rien d’autre, et on  nous dit que c’est celle de cette famille que nous connaissons très bien, restée en France, où il y a  cinq enfants ! 

Dans un autre village, ils viennent nombreux regarder ces « gadjés » venus dans cette belle petite voiture de location et deux ou trois tentent de nous soutirer des Euros sous divers prétextes : « faire la manche » dès qu’il y a un gadjé est un réflexe habituel !

A un moment nous apercevons une voiture de police qui maraude dans ce quartier de Roms. Cela n’a pas manqué : alors que nous rentrons chez nos hôtes, ils nous arrêtent ! Une voiture apparemment neuve chez les Roms : suspect ! Le prétexte est que nous aurions dépassé la vitesse limite de 50 km/h et le montant de la contravention est important ! En fait nous n’avions pas le souvenir d’un panneau de limitation de vitesse. Finalement après avoir épluché nos papiers longuement et nous avoir fait poireauter ils nous ont laissé partir sans rien payer ! C’est clair : non seulement les Roms sont parqués loin de tout, à l’écart des autres, mais on les surveille de près !

En tous cas, être venus les voir en Roumanie, a renforcé les liens d’amitié que nous avions déjà avec eux. Et nous avons bien compris pourquoi ils viennent en France. Ici dans leur majorité, les Roumains les rejettent, les craignent, les méprisent et les pouvoirs publics n’utilisent pas de façon efficace les subsides que l’Union européenne verse pour réduire leur marginalisation…. Corruption, corruption…

Les poubelles de France recèlent bien des trésors qu’on peut aller vendre en Roumanie et notre système de protection sociale, un des meilleurs du monde, sinon le meilleur, leur permet, s’ils trouvent du travail en France, s’ils réussissent à accéder à leurs droits de citoyens européens, de bénéficier de ressources qui leur permettront d’avoir leur maison en Roumanie. Certes nos concitoyens français n’aiment pas beaucoup les Roms, mais la stigmatisation que ceux-ci peuvent connaître chez nous n’est en rien comparable avec celle qu’ils subissent massivement et honteusement en Roumanie !

Il y a environ 20 000 Roms en France alors qu’ils sont peut-être près de deux millions en Roumanie. Notre expérience avec les familles que nous connaissons nous permet d’affirmer que le plus souvent ils cherchent à avoir un emploi, à travailler, à se stabiliser dans un logement normal. Mais il leur est difficile de trouver à se faire embaucher à cause des préjugés qui leur « collent à la peau », à cause de  leur maîtrise incomplète de notre langue, à cause de leur prononciation approximative et de leur manque des qualifications recherchées sur le marché.

Mais nous pouvons affirmer que le travail, l’emploi ne leur font pas peur, bien au contraire.

A Saint Etienne, nous remarquons que certaines familles où l’un des deux parents travaille, commencent à s’adapter aux règles de notre société. Ils semblent avoir compris qu’une scolarité régulière sans absentéisme, une présence continue sur leur lieu de travail, sont nécessaires quitte à ne pas retourner en Roumanie pendant les grandes vacances scolaires et à s’efforcer de convaincre les enfants du bienfait de la scolarité ! Ce sont deux familles qui logent dans de bonnes conditions et où les parents et enfants sont très unis, où la solidarité nous paraît sans faille.

S’il y a logement digne, emploi qui assure un revenu mensuel, cette population certes originale, est sur le  chemin d’une vie sociale normale dans notre société. Mais cette voie est semée d’obstacles divers. Les Roms sont tellement souvent rejetés et méprisés, qu’ils demeurent entre eux, créent peu de relation avec les « gadjés » et du coup progressent plus lentement, plus difficilement dans la connaissance et la pratique de notre langue comme dans la familiarisation avec nos institutions diverses et notre administration de plus en plus opaque si on ne maîtrise pas Smartphone et Internet.

Que soient mieux considérés, par vous tous, lecteurs « Nos amis Roms » ! Après tout on oublie trop souvent qu’ils  sont des êtres humains comme les autres avec les mêmes droits fondamentaux que chacune et chacun d’entre nous.

 Les respecter, poser sur eux un regard conforme à notre devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité », est la condition indispensable de leur adaptation progressive à notre société.

Henricles. A Silhac. Le 13 octobre 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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