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Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Notre société : L’ Hyper capitalisme : une fatalité ?

 

Nous ne pouvons éviter une réflexion approfondie sur le fait que nos sociétés occidentales sont, dit-on, dominées par un capitalisme que les uns appellent « capitalisme financier » d’autres « néo libéralisme », d’autres enfin « hyper-capitalisme », « capitalisme sauvage »…

Nous pouvons d’autant moins éviter de nous interroger à ce sujet que dans la France des années 2019 / 2020, les nombreux mouvements sociaux accompagnés de grèves et manifestations ont souvent été dominés par une minorité agissante de militants qui affirment fortement leur hostilité à ce capitalisme. Et si Macron est devenu « l’ennemi à abattre » de ces manifestants, s’il suscite sur son nom une hostilité véhémente à caractère parfois violent c’est bien parce qu’il apparaît comme le représentant parfait, selon eux, de ce capitalisme honni dont il faut se débarrasser ! Ce capitalisme disent-ils « qui enrichit toujours plus les riches et appauvrit classes populaires et classes moyennes » !

Laissons l’analyse de la politique de Macron, ce n’est pas notre sujet et interrogeons-nous : qu’est-ce que cet hyper capitalisme ?

 

Oublions pour le moment, la Chine et son capitalisme particulier où un État dictatorial – n’ayons pas l’hypocrisie des euphémismes -  domine à sa guise un système économique, certes capitaliste, mais régulé, à la botte de  l’État.

Oublions la Russie où là encore tout est contrôlé sévèrement par un État dictatorial : la Russie pèse si peu sur l’économie mondiale, en dehors de ses hydrocarbures, que là n’est pas l’essentiel.

Le reste du monde est, en effet dominé par un capitalisme qui mérite le superlatif « d’hyper ». Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis les années 80 du XX° siècle, les États-Unis ont peu à peu, avec la complicité de fait des autres Occidentaux, notamment de l’Union européenne, fait démanteler les règles qui imposaient une limitation des mouvements de capitaux. Deux facteurs se sont ajoutés pour donner aux « capitalistes » à l’échelle du monde, une liberté, un pouvoir autrefois limité : d’abord le développement foudroyant d’un Internet global, qui rend techniquement possible, le mouvement de milliards d’euros ou de dollars, le temps de quelques clics sur un ordinateur. Ensuite, la chute du communisme de l’URSS et de l’Europe de l’est, la victoire par K.O. du capitalisme américain, donc la preuve de la supériorité éclatante du capitalisme. A contrario, la défaite du dirigisme, d’un quelconque « socialisme ». C’est du moins le point de vue des « néolibéraux »

Seules l’économie de marché et la liberté d’entreprendre, caractéristiques essentielles du capitalisme, se révèlent capables d’apporter au monde la prospérité dans la liberté !

Que s’est-il alors passé ? Les propriétaires de capitaux, à la recherche des meilleurs rendements, ont  eu la liberté d’investir dans n’importe quelle entreprise dans le monde, de la quitter pour aller vers une autre non pas en fonction d’un « projet d’entreprise » mais uniquement en fonction de deux critères.

D’abord la sécurité : on ne va pas investir là où on risque d’être exproprié ou de tout perdre à cause d’une politique irresponsable ou aventureuse.

Ensuite, le profit : on choisit des entreprises gérées de telle façon que la rémunération du capital investi soit satisfaisante, que les dividendes versés soient importants, avec l’espoir que la valeur des actions augmente. J’investis 1000 et j’attends de pouvoir vendre 1500 si je décide de placer mes capitaux ailleurs. La globalisation permise par l’Internet et la liberté de circulation des capitaux autorisent les capitalistes à investir aussi bien en Norvège qu’au Brésil, en Italie qu’en Malaisie.

 

En conséquence, les dirigeants des entreprises, sont quasiment contraints de calquer leur management sur les exigences des investisseurs sous peine de voir partir les capitaux et, à la limite, de mener leur entreprise à la ruine.

On peut donc parler d’hyper-capitalisme dans la mesure où ce sont, de fait, les détenteurs de capitaux qui ont le plus de pouvoir.

En effet avant les années 80 du XX° siècle, la situation était fort différente. Les capitalistes avaient certes du pouvoir mais il était encadré. Des règles strictes de contrôle des changes limitaient les mouvements de capitaux. Il n’y avait pas une telle « mondialisation » de transfert de capitaux. D’autre part l’État, surtout dans les pays européens, jouait un rôle important, menait parfois une vraie politique industrielle. Les managers des firmes, avaient intérêt à suivre ces politiques de l’État pour bénéficier d’investissements, de commandes publiques etc. Et avant le développement de l’Internet, avant la chute du communisme, avant le bouleversement de la Chine menée quelques années après la mort de Mao, les grandes entreprises n’avaient pas encore déplacé massivement  leurs activités hors d’Europe  En fait, les dirigeants des entreprises – État-major et cadres supérieurs – formaient une « technostructure » qui menait un vrai projet industriel d’autant plus que cette technostructure contrôlait une bonne partie du capital soit en propriété directe soit par procurations signées par les actionnaires.

Cette situation a profondément changé : nous pouvons affirmer que nous sommes, aujourd’hui, oui, dans un hyper-capitalisme.

Mais il faut compléter cela par des précisions sur ces « capitalistes » !

Qui sont ces fameux « capitalistes » ? Il y a certes quelques milliardaires qui gèrent eux-mêmes leur fortune ou mandatent des gestionnaires pour la faire prospérer. On pense, en France,  à un François Pinault, aux héritiers de Liliane Bettencourt, à un Bernard Arnault ! Mais il y a  bien d’autres « capitalistes ». Il y a ceux qu’on appelle les « fonds spéculatifs » qui agissent sur les marchés comme des « vautours », à l’affût des opportunités d’optimisation des fortunes qu’ils gèrent. Il y a aussi les fonds souverains. Ainsi, par exemple, la « vertueuse » Norvège sait que ses richesses pétrolières ne sont pas éternelles. En conséquence, elle verse une partie de la vente de ses hydrocarbures sur un fond souverain dont les gestionnaires choisis par l’État norvégien ont pour mission de le faire prospérer dans l’intérêt du peuple norvégien ! Autre exemple, il y a en Californie un fond de pension qui gère les cotisations que des milliers d’enseignants de cet État versent pour leurs futures retraites, retraites par capitalisation. En conséquence, les gestionnaires de ce riche fond financier ont eux aussi pour mission de le faire prospérer de façon à garantir les futures retraites de leurs mandants ! Comme n’importe quels capitalistes, ceux-là, Norvégiens ou Californiens  recherchent la « création de valeur », c’est-à-dire l’augmentation de la valeur de leurs actions et des dividendes encaissés !

Comme quoi les jugements moraux qu’on peut porter sur les « capitalistes » ne sont pas toujours aussi simples que ce qu’on pourrait croire. La question n’est pas tant celle de

 l’éthique que d’un système qu’il faut modifier de façon que les intérêts des capitalistes ne soient pas prépondérants, qu’il puisse y avoir partage des pouvoirs entre les managers, l’ensemble des salariés et les actionnaires et les intérêts de la société. Et que de vrais projets entrepreneuriaux à long terme inscrivent la vie des entreprises dans la durée.

 

Les États ont-ils les moyens de réduire le pouvoir exorbitant de cet hyper capitalisme ?

Aux USA, sans aucun doute, mais encore faut-il que les dirigeants de ce pays le souhaitent. Avec la présidence d’un Trump, rien ne changera, au contraire.  Le programme de Bernie Sanders prévoit, des mesures en faveur des classes modestes. Est-ce à dire que s’il était élu   en 2020 il proposerait de modifier profondément le système décrit ci-dessus ? On ne sait. En tous cas on ne peut compter sur un Joe Biden pour remettre en cause ce néolibéralisme en vogue aux États-Unis.

Et en France ? C’est très compliqué. A gauche de plus en plus nombreux sont ceux qui souhaitent que notre pays s’affranchisse des contraintes imposées par le néolibéralisme de l’Union Européenne. Ils pensent que la France est suffisamment puissante dans cette Union pour que la simple menace d’un « frexit » conduise nos partenaires de l’Union à revenir sur ce néolibéralisme. Et un « frexit » permettrait selon eux la négociation d’une nouvelle Union moins soumise à cet hyper capitalisme.

L’auteur de ces lignes pense que ce serait une très grave erreur. L’Union ne survivrait pas à une sortie de la France et nos partenaires, aussi bien Allemands qu’Italiens, Néerlandais, Suédois ou autres ne se soumettraient pas à des manœuvres de la France, surtout d’un gouvernement français dominé par des partis de gauche alliés à une frange de l’extrême-gauche. N’oublions jamais que la diplomatie française a souvent été perçue, à juste titre, comme arrogante, en quête d’une domination de l’Europe partagée avec les Allemands.

En cas de « frexit » la désagrégation inévitable de l’Union, entraînerait très rapidement une augmentation du chômage, la désorganisation de nos économies européennes  inextricablement liées entre elles depuis des décennies, donc une baisse inévitable du niveau de vie. Bref ce serait catastrophique ! Sans parler de la résurgence alors  incontrôlable des pulsions nationalistes  contenues efficacement depuis 1945 !

Il faut espérer que jamais nous Français ne donnions la majorité à ceux qui préconisent de tels choix, si sympathiques que nous paraissent leurs motivations.

 

Alors comment espérer en finir avec les abus de cet hyper-capitalisme ?

On peut suggérer plusieurs types de mesures.

D’abord préserver, toujours améliorer notre système de protection sociale qui, comme nous l’avons montré, atténue fortement les inégalités engendrées par l’hyper capitalisme.

L’État actionnaire, l’État qui passe de nombreuses commandes, l’État « régalien » peut agir pour intervenir auprès  des entreprises multinationales françaises qui profitent des paradis fiscaux. L’État a beaucoup de pouvoirs qui l’autorisent à limiter les dérives d’entreprises peu civiques. De ce point de vue nous sommes loin, très loin de ce qu’un slogan simpliste appelle « l’ultra libéralisme ». L’arsenal des règlements, contraintes, que l’État a à sa disposition est cent fois plus important qu’au temps du vrai libéralisme, c’est-à-dire à la fin du siècle XIX° et aux débuts du XX° !

Ensuite agir dans l’Union européenne pour tenter, sans arrogance ni volonté de domination, de convaincre nos partenaires que la libre circulation totale de capitaux doit être limitée et que nous devons, au moins dans la zone Euro, si possible dans toute l’Union, imposer un contrôle et des règles de ces mouvements de capitaux. Vu la conjoncture que nous vivons avec une Allemagne en difficulté, des États-Unis contre l’Union européenne, un Poutine menaçant, on peut espérer obtenir une évolution des choses en Europe ! En tous cas on ne pourra rien modifier seuls, nous n’en avons ni l’autonomie ni  la puissance

 

Le président Macron nous a récemment déclaré solennellement que nous devons « interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Nous devons construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens ».

On peut bien sûr hausser les épaules et  penser que cette adresse aux Français n’est que tactique électoraliste pour séduire à nouveau les citoyens de sensibilité de gauche qui se sont aujourd’hui, semble-t-il éloignés du président Macron et de sa politique. Mais on peut aussi croire que celui-ci se pose sincèrement des questions fondamentales et sait qu’il y a au niveau national et surtout européen des décisions à prendre ! Une opinion n’excluant d’ailleurs pas l’autre !

 

Henricles. A Silhac. Le 15 mars 2020

Il nous faudra consacrer la chronique suivante à notre réflexion sur l’individualisme et les solidarités dans notre société d’aujourd’hui.

 

 

 

 

 

 

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