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Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

" Prendre soin du monde " : un livre à lire

Lecture : « Prendre soin du monde »

Par Emmanuel Desjardins. Édition Alphée. Monaco. 2009

 

 

C’est un beau titre.

L’auteur est installé en Ardèche dans un lieu fondé par son père, aujourd’hui décédé, où il reçoit et accompagne, avec d’autres, des gens venus de tous horizons qui cherchent un « mieux-être ». Il a été influencé par le Bouddhisme et des maîtres spirituels indiens.

Le sous-titre de son livre est « survivre à l’effondrement des illusions ».

Il consacre une première partie de sa réflexion à expliquer l’échec des idéologies diverses qui ont marqué l’Occident depuis le XVIII° siècle. Communisme, socialisme, libéralisme, progressisme. Il voit dans ces idéologies deux points communs qui expliquent selon lui leur échec. D’une part l’idée fausse qu’un progrès indéfini permettrait aux hommes  d’atteindre le bonheur pour peu qu’ils transforment la société. D’autre part les unes et les autres font l’impasse sur le tragique, inhérent à la condition humaine et dont on ne se débarrasse pas, comme elles le prétendent.

La partie la plus stimulante de son ouvrage est celle où il explique qu’il faut changer de « paradigme ». Celui du progrès indéfini a échoué et se heurte aujourd’hui aux limites des ressources de la biosphère. On ne peut continuer à exploiter les ressources de la biosphère au rythme qui est le nôtre depuis la révolution industrielle sans menacer la survie de l’humanité et surtout celles de nos descendants. Pour Emmanuel Desjardins, un nouveau paradigme « écologique » qui implique la renonciation au mythe d’une croissance matérielle indéfinie pour assurer le bonheur des femmes et des hommes est une condition impérative pour la survie de notre espèce et de toutes les autres qui peuplent la planète.

Seulement pour Desjardins, il n’y aura pas de vrai changement si on ne mène pas ensemble deux « combats » : une conversion spirituelle individuelle et en même temps un effort collectif pour modifier les politiques menées en fonction de ce nouveau paradigme. L’un ne va pas sans l’autre. « Imaginer qu’il suffit que chacun change pour que le monde change, c’est vouloir contourner indéfiniment les obligations de l’engagement individuel, c’est chercher à changer le monde sans y mettre les pieds » (page 232).

Il y a dans cet ouvrage de nombreuses réflexions pertinentes. Desjardins insiste à juste titre sur la nécessité de regarder le « réel » tel qu’il est et, en conséquence, de le prendre en compte lorsqu’on prétend vouloir changer le monde !

Il insiste aussi sur l’importance de la Loi et de l’État de Droit. S’il n’y a pas d’État de Droit, c’est le règne du plus fort ou du plus riche.

 Lire ce livre est utile. C’est une réflexion salutaire, pleine de sagesse.

Malheureusement cette leçon de sagesse est diminuée par ce que j’ose appeler les « simplismes » de certains raisonnements.

Desjardins critique ce qu’il appelle l’idéologie du « progrès ». Il aurait raison s’il se contentait de dénoncer les dérives de cette idéologie. Mais il la rejette. Or, personne ne dit que nous ne sommes pas capables de comprendre les limites d’un mode de développement trop destructeur de la biosphère et donc de corriger notre marche vers le progrès en intégrant le nécessaire respect des équilibres de la biosphère. Augmenter la consommation d’énergies fossiles est catastrophique. Par contre augmenter la production d’énergies renouvelables et propres serait un progrès important et si arrive le jour où l’humanité aura maîtrisé la « fusion nucléaire » il y aura une surabondance d’énergie propre à notre disposition. Construire toujours plus de bâtiments bien isolés et même capables, grâce aux nouveaux matériaux, de produire plus d’énergie qu’ils en consomment, c’est non seulement réduire la consommation d’énergie mais, de plus, permettre à des gens d’être mieux chauffés pour moins cher !

Il y a encore un tel dénuement dans de très nombreux pays, y compris chez nous, ne l’oublions pas, qu’il faut bien qu’augmente la production alimentaire, la production de vêtements, de logements, d’infrastructure de toutes sortes. Il faut bien qu’augmente le nombre d’hôpitaux équipés des instruments les plus modernes et les plus performants de l’imagerie médicale ou de la chirurgie. Il faut bien que de nombreux laboratoires pharmaceutiques cherchent et fabriquent en quantité croissante, les remèdes pour éradiquer les maladies et tout simplement faire reculer souffrances et morts précoces.

Certes il ne faut pas croire au « salut » par la technologie comme ont tendance à le penser certains. Cela dit les découvertes scientifiques et techniques peuvent faire franchir de grands pas à l’humanité. La découverte et la production massive de « smartphones », ces objets extraordinaires qui permettent de téléphoner, envoyer des messages écrits et des images, surfer sur Internet, s’éclairer, prendre des photos et des videos, payer, gérer ses comptes avec un petit objet qu’on transporte dans sa poche, est une découverte, un « progrès » qui bouleverse la vie de millions de gens. En Afrique, le smartphone est un puissant agent de développement et de diffusion des connaissances, dans un continent où de nombreuses personnes n’ont accès ni à l’électricité ni à des transports efficaces ni à des écoles suffisantes.

S’il y a surabondance dans certains domaines, il y a d’énormes pénuries dramatiques ailleurs dans le monde.

Mais Desjardins a raison : seule, une sagesse, une philosophie de vie, une spiritualité comme il l’écrit, permettent de vivre épanoui et équilibré malgré le tragique du monde. « l’essence de la spiritualité est la capacité à être heureux au cœur du tragique » écrit Desjardins. Peut-être qu’ici, le mot « heureux » est-il malvenu. Grâce à un effort sur soi, une « spiritualité » garder un équilibre, une sérénité au cœur du tragique, oui, mais être heureux ? Lorsque le pape François rencontre des Rohyngas  exilés au Bangladesh et constate leur malheur, peut-il être heureux ? Il pleure.

Desjardins a raison, le progrès ne supprimera pas le tragique de la condition humaine.

Mais le progrès doit continuer pour faire avancer la connaissance, pour améliorer les conditions de vie, de façon que continuent à reculer la mortalité infantile, à augmenter l’espérance de vie en bonne santé, comme le progrès l’a permis depuis le début de l’ère industrielle.

Pour cela il est en effet indispensable de chercher et trouver les moyens de « progresser » sans détruire les équilibres fondamentaux de la biosphère. Nous en sommes capables.

Est-ce un nouveau « paradigme » ? Probablement. Malheureusement Desjardins se contente de nommer ce paradigme : le paradigme de l’écologie. Mais il n’en dit pas grand-chose de plus. Et on reste sur notre faim.

Desjardins invite à marcher sur d’autres chemins que ceux qu’on a suivis depuis le XVIII° siècle, mais il ne  dit pas quels choix politiques, économiques et sociaux impliquent ces nouveaux chemins.

Quid des dépenses et recherches d’armement dans un monde plus dangereux qu’il y a 30 ans ?

Quid des constructions et lancements de fusées et stations orbitales pour mieux comprendre l’univers ?

Quid des instruments tels que les drones armés pour attaquer les terroristes là où ils se terrent ?

Quid des téléscopes superpuissants installés à grands frais et bourrés de matériel de très haute technologie fabriqué dans des usines de pointe ?

Quid des déplacements de millions de voyageurs, touristes ou chercheurs en congrès internationaux, dans des avions qui émettent des quantités énormes de co² et qui décollent d’aéroports toujours plus dévoreurs d’espaces et de terres qu’on bétonne ? Faudrait-il mettre fin à ces échanges multiples entre femmes et hommes de toute la planète qui ainsi se rencontrent quelle que soit  leur origine, et apprennent à se connaître ?

Quid des créations artistiques de la haute couture, de la joaillerie, la bijouterie, de l’horlogerie, de l’ameublement raffiné, de l’architecture contemporaine ?

 

 Ce livre est paru en 2009 aussi du point de vue « politique », il donne des exemples et cite de personnages qui n’occupent plus le devant de la scène.

Par contre, pour ce qui est de la politique en France, il prophétise. Il affirme que les vieux partis de gauche ou de droite ne correspondent plus aux besoins de notre société et il formule un vœu qui résonne étrangement en cette année 2017 : il souhaite qu’émerge un nouveau parti… ni de droite ni de gauche, qui «  remplacerait la rhétorique de l’anticapitalisme par le réalisme et le sens du long terme, sortirait des impasses dans lesquelles s’enlise la gauche, apporterait vraiment un souffle nouveau et aurait des chances de trouver sa place en France… »

Chapeau monsieur Desjardins ! Mais le mouvement En-Marche d’Emmanuel Macron est-il vraiment celui que vous souhaitiez, vous qui aspirez à la naissance d’un « parti écologique » ?

 

Henricles.  Silhac. 5 décembre 2017

 

 

 

 

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