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Le blog politique et culturel de henricles

C'est le blog de quelqu'un qui n'appartient à aucun parti politique mais qui pense que le simple citoyen peut s'emparer des questions politiques économiques et de société pour proposer ses réflexions etdonner son avis C'est également un blog littéraire et culturel où je place divers récits et oeuvres qui me concernent et ont un intérêt. notamment des récits de voyage et des tableaux d'amies peintres

Rapports sociaux pervertis

Dans « Le Monde » du samedi 16 mai, on peut lire, dans un article sur « le chantier explosif du temps de travail à l’hôpital », la phrase ci-dessous : « la direction propose le passage à une journée – de travail – de 7 h 30 contre 7 h 36 ou 7 h 50 aujourd’hui »

But ? Réduire ainsi le nombre de journées de RTT (réduction du temps de travail) de 20 à 15 par an. Il s’agit d’une réorganisation des 35 h hebdomadaires des 75 000 salariés, paramédicaux et administratifs de L’Assistance-Publique-Hôpitaux de Paris.

Imaginez, chers amis, que vous êtes à l’hôpital, infirmière ou aide-soignant, ou au téléphone d’un service où on prend les rendez-vous de consultations. Vous travaillez peut-être plutôt comme « agent de service » et c’est vous qui vous préoccupez de la propreté, de l’hygiène des toilettes ou autres lieux utilisés quotidiennement. O.K. ? Vous y êtes ? Oui, vous avez vos blouses, vos gants de travail ? Une malade vient d’arriver et il lui faut vite un pansement ou l’aider à se changer puisqu’elle est immobilisée. Qu’est-ce que vous allez faire ? Et les toilettes viennent d’être laissées dans un état horrible. Et le téléphone qui sonne sans arrêt.

Pas d’hésitation : on ne peut laisser ces toilettes ainsi, c’est honteux ! On ne peut laisser cette pauvre petite dame âgée croupir dans ses saletés. Les appels téléphoniques se succèdent dans votre service et certains ont renouvelé 4, 5 fois la communication sans succès à cause de votre ligne toujours occupée ! Plusieurs fois vous avez répondu vite, vite : « patientez s’il vous plaît », et vous avez mis en attente ! Et voilà que ça a coupé et que ça sonne à nouveau !

Que faire ?

Voilà ce qui va être prévu maintenant. Si aujourd’hui, vous avez déjà travaillé 7 h 30 eh bien vous arrêtez ! TOUT DE SUITE ! Vous PARTEZ ! Ne faites plus rien qu’enlever votre blouse prendre vos affaires et partir.

6 minutes auraient suffi peut-être à nettoyer, répondre à ce coup de fil et donner ce rendez-vous, changer la petite dame ! 6 minutes ! PARTEZ ! RENTREZ CHEZ VOUS !

La direction de l’A.P.-H.P. est en train de négocier la réorganisation du temps de travail sur cette base !

Imaginez : 6 minutes !

Il y a une autre hypothèse d’après l’article que j’ai cité, je dois l’avouer : 6 minutes ou 20 minutes !

20 minutes ? Autant dire, une éternité quoi !

Vous étiez là, à votre poste soit 7 h 36 soit 7 h 50 et maintenant vous ne serez là que 7 h 30 !

Il s’agit de projets, d’hypothèses de travail. Le problème est d’arriver à économiser, dépenser moins et satisfaire les besoins malgré la pénurie. Compliqué. Les syndicats sont déjà vent debout contre ces projets parce qu’ils craignent une aggravation des conditions de travail sans compensation !

Alors, moi, le simple citoyen, quelquefois le patient, le malade, ou l’accompagnant de malades perdus dans les dédales de nos hôpitaux et devant les difficultés à obtenir rapidement des rendez-vous, alors moi, celui qui l’autre jour, a attendu plus de 2 heures avant d’être reçu (bien reçu d’ailleurs, je tiens à le dire !) aux « urgences » de l’hôpital, je suis tenté de me dire que nous sommes définitivement fichus, que nous sommes une société de nantis gravement atteinte d’égoïsme, de superficialité, de l’individualisme forcené de chacun contre tous, ce « tous » étant les « ILS ».

Oui, quand on discute, quand on essaye de parler conditions de travail ou avantages ou désavantages, on en revient toujours aux « ILS »

« ILS » peuvent payer : la direction, l’Administration, l’État).

« ILS » peuvent attendre : les malades, les administrés, les autres

« ILS » nous volent : les politiques, les hauts placés, les dirigeants, les élus !

« ILS » gaspillent les ressources et font n’importe quoi : les gestionnaires

« ILS » sont mieux lotis que nous, « ILS » ont plus d’avantages, « ILS » gagnent beaucoup plus : les salariés de toutes les autres professions… que la nôtre !

« ILS » cherchent à faire des économies sur notre dos : les directeurs.

« ILS » ne se rendent pas compte de notre épuisement, notre stress : les chefs

« ILS » ne fichent rien assis dans leurs bureaux : les fonctionnaires des administrations

« ILS » cherchent toujours à rogner nos maigres avantages sociaux : les ministres et les patrons

Et alors dans ce pays qui ose encore s’appeler pays des Droits de l’homme, dans ce pays où on se targue d’avoir été le « pays des Lumières » ces « Lumières » qu’on doit absolument faire étudier à nos élèves du collège,- n’est-ce pas ?- dans ce pays où on se gargarise de mots comme « solidarité, « égalité », voire même parfois « fraternité », pendant des semaines et des dizaines de réunions, avec mobilisation d’experts, de cadres de haut niveau, de nombreux délégués de syndicats divers, ou n’aura pas honte de discuter pour savoir, entre autre, si on diminue ou non la présence au travail de 6 minutes par jour !

Comment en est-on arrivé à ce que des personnels salariés soient autant dégoûtés de leur métier, autant hostiles à l’institution où ils exercent leur métier, aient autant hâte de partir de leur lieu de travail, pour qu’on discutaille de 6 minutes par jour ?

Dans les services publics les salariés, quels qu’ils soient, rendent des services à certains de leurs concitoyens. C’est la définition même du « service ». Ils ne travaillent pas pour le profit de je ne sais quelle multinationale ou de capitalistes, ils travaillent pour améliorer les conditions d’existence des citoyens. En être réduit à savoir si on doit être obligé ou non de travailler 6 minutes ou même 20 minutes de plus ou de moins dans la journée est la preuve, pour moi irréfutable, que notre société est malade et doit réexaminer de fond en comble son rapport au travail.

Et les dirigeants, les prétendues « élites » des grandes institutions, les « chefs », les « cadres supérieurs » devraient de toute urgence, et aussi les directions syndicales, se poser les seules questions essentielles : comment modifier nos organisations, comment organiser les rapports sociaux dans nos institutions, comment redonner à chacune et à chacun le sens de ce qu’est véritablement le « service public » ?

Non, les dirigeants actuels préfèrent faire marcher leurs calculettes d’ordinateurs. Lisez un peu. Si 75 000 salariés de l’A.P.–H.P. travaillent 6 minutes de plus ou de moins par jour, cela fait 450 000 minutes soit 7500 heures et sur une semaine de 5 jours, cela donne 37500 heures ! Problème capital : Les montres sont-elles toutes bien réglées, monsieur le directeur général de l’A.P.-H.P. à quelques minutes près ?

Arrêtons là ces comptes imbéciles : c’est mille fois plus facile de faire ces petits calculs que de chercher ensemble dans l’institution les solutions aux questions posées ci-dessus !

Mais il n’y aura pas de solution s’il n’y a pas la nécessaire remise en question par les élites et les dirigeants, de leur propre rapport à leur travail et surtout leurs propres comportements et leur attitude générale vis à vis des salariés des institutions où ils sont aux postes de commande.

Au-delà des dirigeants ici vivement interpelés l’auteur de ces lignes a conscience que c’est bien le problème du rapport au travail dans toute notre société d’aujourd’hui. Refuser d’aborder de front cette question c’est renoncer à l’amélioration de notre vie de citoyens d’un des pays les plus riches du monde et où se dégrade trop souvent la qualité de notre vie en commun.

Dans un autre paragraphe, de ce même numéro du quotidien on apprend que les médecins urgentistes et anesthésistes-réanimateurs ne veulent plus travailler autant et revendiquent une compensation horaire lorsqu’ils sont contraints de travailler plus que d’ordinaire ! Les uns disent que les jeunes médecins ne veulent plus « flinguer leur vie de famille » ». D’autres regrettent qu’aient disparu le « dévouement », « l’abnégation » de médecins hospitaliers qui vivaient comme des « moines-soldats » et ne comptaient pas leurs heures.

A Saint Étienne, la plupart des ophtalmologistes et des dentistes ne prennent plus de nouveaux clients. Le service d’urgence des dentistes ne fonctionne que quelques petites heures le samedi après-midi et le dimanche matin et à l’hôpital il n’y a pas d’urgence dentaire ! Souffrez mes amis, souffrez en silence !

« Nous avons le meilleur système de santé du monde n’est-ce pas ? »

Là encore, quel rapport au travail ? Qu’est-ce que le véritable service du public ? Et pourquoi les services d’urgence des hôpitaux sont-ils débordés par l’afflux des patients ? Où sont les médecins de garde des week-ends d’antan ?

Quant aux déficits, ils se creusent, pour le bonheur des financiers qui prêtent l’argent pour les combler.

Henricles 20 mai 2015

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